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AÏON - N° 7 - suite

N° 07-"Lou", 2020, acrylique sur toile, 195 x 195 cm.

« Ce qui découle du fait que ce n'est pas la femme qui a tué le père.» Lou-Andréas Salomé, 1928 (14). 

 

LOULOU.

Nietzsche ne porte pas un blouson d’aviateur G1 comme le ferait l’Apollon pilote du Soukhoï Su-28, mais le "perfecto", vêtement emblématique des blousons noirs, une sous-culture juvénile apparue dans les années 1950/60 sous l'influence de l’industrie cinématographique et musicale américaine. Notamment à travers des films comme L’Equipée sauvage (The Wild One) (1953), où Marlon Brando (1924/2004) révèle une époque faite de noir, cuir, moto, machisme, volonté de choquer, esprit de gang, violence borderline et La Fureur de vivre  (Rebel Without a Cause) (1955), qui fait de James Dean (1931/1955) une icône violentée, morte jeune au volant de sa Porsche 550 Spyder. Le rock 'n' roll, avec Bill Haley (1925/1981), Elvis Presley (1935/1977), Gene Vincent (1935/1971), Eddie Cochran (1938/1960), Jerry Lee Lewis (1935/…), met un son à la crudité des images. Les jeunes à la mode vêtus d'un blouson de cuir, se coiffent caricaturalement en arrière avec sur le front une large mèche roulée asymétrique maintenue à la brillantine (15).

La métamorphose de Nietzsche en érudit loulou ne peut porter le traditionnel "jean" délavé serré à la taille d'un ceinturon de cuir, mais se doit de porter le drapé à l’Antique, une toge. On retrouve ce type de vêtement dans les statues grecques du Ve. siècle av. J.-C. comme dans des pleurants de la fin du Moyen-âge occidental.  Ici, il s’agit plutôt d’un dessin, la draperie n'ayant pas de forme en soi, il est souvent nécessaire, comme le recommandait déjà Alberti au XV e. siècle, de « dessiner un nu que nous drapons ensuite de vêtements ». Les artistes réalisent ainsi des dessins et esquisses nues qui servent d'études préparatoires à des œuvres finies de personnages habillés comme se drapé inspiré du style des Drapées de Lorenzo Sciarpelloni, dit Lorenzo di Credi, (1459-1537) ou de Léonard de Vinci (1452/1519) qui ont fréquentés l’atelier d’Andra del Verrocchio (1435/1488), grand spécialiste du genre. Une main et les pieds sont à peine ébauchés.

En bas, la terre, humaine, trop humaine.

Revenons au "Bistrot du Zoo", où, sur la porte vitrée de gauche est collée une affiche noir & blanc représentant Lou Andréas Salomé (1861/1937) telle qu’elle était en 1897 à 36 ans en toute puissance surhumaine. La jeune femme est un peu figée, cette attitude est certainement dues au long temps de pose qui était alors nécessaire à une « prise de vue sans bougé» ? Il y est écrit manuellement en bas de cette image dans l’image : Eternel retour du même. L’Eternel retour du même serait la capacité de pouvoir mener sa vie de telle sorte que l’on puisse souhaiter qu’elle se répète éternellement. Mais… au fur et à mesure que les rancœurs succédèrent aux espoirs, la solitude aux échanges, Nietzsche, vivant ses désillusions comme les symptômes d'une métamorphose, accèdera aux visions régénératrices de Zarathoustra (16).

A cette époque Lou Andréas Salomé n’est plus la jeune fille de vingt ans à la santé fragile que sa mère emmène en Italie, faire un séjour sous le soleil d’Apollon, où elle fait alors la rencontre d’un Friedrich Nietzsche, de trente-huit ans. Avec Lou, durant l’année 1882, le philosophe vit la seule véritable histoire d’amour de sa vie. Mais c'est une relation à trois, incluant Paul Rée (1849/1901), un riche philosophe allemand qui demande en vain Lou en mariage. La jeune femme propose de « constituer une sorte de « trinité » intellectuelle », et « pour sceller le pacte », ils se font photographier en mai 1882 dans une mise en scène qui fera scandale : « Nietzsche et Rée attelés à une charrette dont Lou tient les rênes ». Cette photo fera écrire à Nietzsche dans Zarathoustra : « Vous allez voir les femmes ? N'oubliez pas le fouet. » (17).

En 1886, Louise von Salomé (1861/1937) rencontre l'orientaliste allemand, spécialiste de l'Iran, Friedrich Carl Andreas (1846/1930). Ce dernier tombe amoureux d'elle et menace de se suicider si elle refuse de l'épouser. Elle consent à cette union à la condition qu'elle ne soit jamais consommée sexuellement.

« Le féminin se renouvelle sans cesse et toujours. Il est l'infini par excellence. Le féminin est essentiellement contre la religion. » Adonis -  pseudonyme du poète syrien contemporain Ali Ahmed Saïd Esber (1930/…)

"Pythonisse" est l'oracle du temple d'Apollon à Delphes. Elle tire son nom de "Python", le serpent monstrueux qui vivait dans une grotte à l'emplacement du site actuel du sanctuaire, et qui terrorisait les habitants de la région autour du mont Parnasse avant d'être tué par Apollon.

« La Pythie […] sort d’une des familles les plus honnêtes et les plus respectables qui soient ici et elle a toujours mené une vie irréprochable mais […] elle n’apporte avec elle, en descendant dans le lieu prophétique, aucune parcelle d’art ou de quelque autre connaissance ; […] c’est vraiment avec une âme vierge qu’elle s’approche du dieu. » Plutarque (46/125) philosophe et prêtre d’Apollon à Delphes de 105 à 126 apr. J.-C.

Lou en pythie toujours vierge est la véritable héroïne, la cinquième muse – Melpomène,  de cette peinture tragique de Jean-Bernard Pouchous. « (…) si Lou Andreas-Salomé déclenche les passions amoureuses, elle n'a, pour la dimension charnelle de celles-ci, qu'un goût modéré ». Julia Vickers, biographe (18). Lou Andreas Salomé (1861/1937) « concevait l'amour sexuel comme une passion physique qui s'épuisait une fois le désir assouvi », tandis que « l'amour intellectuel, fondé sur une absolue fidélité, était capable, disait-elle, de résister au temps ». Le premier amant avoué de Lou Andreas Salomé fut Georg Ledebourg (1850/1947) journaliste, fondateur du parti social-démocrate allemand. A plus de 30 ans, c’est avec Friedrich Pineles (1868/1936) dit Zemek (fils de la terre), une force de la nature, que Lou découvre la jouissance physique. Médecin notamment du peintre Gustav Klimt (1862/1918), il fut notamment un des premiers auditeurs de Sigmund Freud (1856/1939). Leur relation est féconde et en 1901 Lou est enceinte, elle se dit « extasiée », mais ne garde pas l’enfant. Cette passion se termina « par un avortement et un tragique renoncement à la maternité ». Élisabeth Roudinesco, Michel Plon (19).

A Munich, à trente-sept ans, elle fait la connaissance de Rainer Maria Rilke (1875/1926),  jeune poète de vingt-deux ans. Lou a déjà publié Un combat pour Dieu, plusieurs articles ainsi que l'étude Jésus le Juif. Elle écrit dans "Regards sur ma vie" : « Je fus ta femme pendant des années parce que tu fus la première réalité, où l'homme et le corps sont indiscernables l'un de l'autre, fait incontestable de la vie même. J'aurais pu dire littéralement ce que tu m'as dit lorsque tu m'as avoué ton amour: Toi seule est réelle. C'est ainsi que nous sommes devenus mari et femme avant même de devenir des amis, non par choix, mais par cet insondable mariage. […] Nous étions frère et sœur, mais comme dans ce passé lointain, avant que le mariage entre frère et sœur devînt sacrilège ». Philippe Jaccottet (1925/…) poète suisse.

1909, dans un New-York en pleine expansion architecturale avec l’érection des gratte-ciels, le psychanalyste Freud et son jeune compagnon Carl Gustav Jung (1875/1961) sont invités pour une tournée de conférence. Débarquant chez les puritains, Freud aurait proclamé : « Ils ne savent pas que je leur amène la Peste ». La Peste en question est moins l’importance de l’Eros qui fait liant entre corps et psyché, que l’articulation de la sexualité à des fantasmes conscients et inconscients, et pire qu’il y aurait une continuité-consubstantialité entre la sexualité infantile qu’il qualifie de perverse polymorphe et la sexualité adulte.

Lou Andreas Salomé rencontre Sigmund Freud en 1911 à Weimar au Congrès de l' International Psychoanalytical Association (IPA). La psychanalyse marque « un tournant dans la vie de Lou Andreas-Salomé » déjà familière de la philosophie de Baruch Spinoza (1632/1677), elle est « pénétrée par le concept de l'inconscient ainsi que par la théorie de la libido » et devient elle-même psychanalyste à Göttingen en Allemagne et continuera même « après sa période viennoise » d'entretenir une correspondance suivie avec Freud.

En 1937, Freud dira de la relation de Lou Andreas-Salomé avec Rainer Maria Rilke: « elle fut à la fois la muse et la mère attentive du grand poète ».

Elle « a mis en relief la notion de « double direction » présente chez Freud dans sa conception de la libido » « Le narcissisme comme double direction ». Les réflexions d'Andreas-Salomé sur la féminité sont regroupées dans l'essai « Du type féminin » (Zum Typus Weib, 1914). D'après Inge Weber, Lou Andreas-Salomé « annonce l'utopie d'une culture féminine ». À la suite de Freud, « son fil conducteur est la notion de sexualité dans toute sa portée », d'où son intérêt pour le concept de pulsion, elle s'intéresse particulièrement à la question du narcissisme et à la création, notamment dans le rapport de celle-ci avec l'amour « ce autour de quoi elle tourne dans tous ses textes » est « la présence du psychique dans le corps »  « jonction du « moi » avec ce qui est hors de lui, dans l'acte sexuel, […] rapport des pulsions sexuelles et des pulsions du moi dans la vie amoureuse, […] relations de la vie sexuelle avec l'activité créatrice (différemment chez l'homme, chez la femme) », ou « ce qui relie le sexuel le plus brut (l'anal) avec la production la plus sublimée, la plus « spirituelle » Marie Moscovici (1932/2015).

Lou meurt dans une Allemagne nazie, c'est Freud qui prononce son éloge funèbre. Les autorités national-socialistes refusent que ses cendres soient dispersées dans le jardin de sa maison, qu'elle appelait "Loufried". Les cendres de Lou Andreas-Salomé seront déposées au cimetière de Göttingen, près de la tombe de Friedrich Carl Andreas.

« Comment la littérature se marie-t-elle à la psychanalyse que l'auteur exerce depuis vingt ans ? » Stéphane Michaud (1944/…) (20).

« Donne-moi la beauté intérieure et que l'extérieur soit toujours en accord avec l'intérieur. » Socrate (470/399 av. J.-C.) :

Dionysos parabolique, dédié à une dévotion particulière de l'extase et de l'enthousiasme, a son masque de terre cuite posé au sol aux pieds de l’image votive de Nietzsche en perfecto, car il oppose Apollon à Dionysos comme le soleil et la terre, le feu et la matière. Ce masque est inspiré d’une antiquité grecque de Tanagra (entre 390 et 350 Av. J. C.) tel qu’il est exposé au Musée du Louvre mais représenté dans la peinture de Jean-Bernard Pouchous, un peu plus grand que sa taille originel de 12,20 cm. de hauteur. Dionysos est le dieu du vin et le théâtre est né des fêtes que l'on célébrait en son honneur. La comédie et la tragédie sont étroitement associées aux fêtes religieuses en l'honneur du dieu et au sacrifice célébré à cette occasion. Thespis, créateur de la tragédie attique (-534) introduira le masque. Cet accessoire, qui sera utilisé tout au long de l'histoire du théâtre grec, permettaient de reconnaître les personnages du premier coup d'œil, même pour ceux qui étaient placés loin de la scène appelée orchestra. Dionysos sera souvent identifié au dieu des processions porteur de torche, guide du cortège des initiés "Iacchos" en relation avec Déméter « mère de la terre » et les Mystères d’Eleusis.

Il parlait, il volait, il lisait les pensées des humains, il se rendait invisible, il avait le don d'ubiquité… Dans Les Bacchantes, le tragique Euripide (483/406) rapporte que les Ménades poussaient un cri à l’unisson pour appeler  Dionysos : « Iacchos ! Bromios ! ». Orgies dionysiaques menées par les collèges de Ménades délirantes et furieuses portant le thyrse et nébride, tenant une panthère par la peau du cou, accompagnées de bacchants et de thyades.

L’hiérogamie, désigne dans la mythologie, une union sacrée à caractère sexuel, un accouplement, entre deux divinités ou entre une déesse ou un dieu et une femme ou un homme. Dans le domaine de la religion, elle désigne la représentation rituelle par des humains de cette alliance sexuelle divine. Rite initiatique qui permettrait aux participants d'acquérir une expérience religieuse par des rapports sexuels aux vertus spirituelles souveraines. Certains y voient une référence à la théorie néo-platonicienne selon laquelle une âme est originellement androgyne et se scinde en deux lors de l'incarnation sur terre, sa part féminine allant dans un corps de femme et sa part masculine dans un corps d'homme. Dans cette optique, la plénitude spirituelle ne serait retrouvable que dans la réunion des principes complémentaires qu'offre une hiérogamie. La syzygie est cette union en symbiose de figures mythologiques, apparaissant notamment dans la tradition alchimique. Il s'agit de la réunion de couples de contraires, homme et femme, soleil et lune. L'androgyne hermétique en est un des exemples les plus connus. Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung parle d’archétypes inconscients, notamment à travers le couple fondamental d'"anima" et d'"animus" lorsque ceux-ci apparaissent symbiotiquement. Le processus de différenciation de ces couples "syzygiques" fait partie du cheminement de la conscience vers l'illumination.

Les sorcières sont-elles les bacchantes et Ménades de Dionysos ?

Zeus apparaissant dans toute sa splendeur réduira en cendres le corps de sa maîtresse Sémélé et placera l’enfant qu’elle portait, Dionysos, dans une entaille pratiquée dans sa cuisse jusqu’à sa naissance trois mois plus tard. La tombe de Sémélé, à Thèbes, fumera pendant des années. Hermès confiera Dionysos à Inô, la sœur de Sémélé, qui acceptera de l’élever et le protègera de la colère d’Héra femme de Zeus en l’habillant avec des vêtements féminins. Héra découvrira la vérité. Elle frappera Inô et Athamas son mari de folie. Toutes les sœurs de Sémélé se joindront aux Bacchanales et seront saisies par un délire.

La pièce de théâtre d’Euripide (480/406) "Les Bacchantes", raconte comment Dionysos susciter la curiosité du roi "Penthée" et lui offrira d’assister aux orgies sous un déguisement de femme. Les Bacchantes thébaines, sous la conduite de sa propre mère Agavé et de ses tantes, le découvriront. Dans leur délire, elles le feront tomber de l’arbre dans lequel il s’était caché et le tueront après l’avoir démembré.

Certaines traditions attribueront à Dionysos un fils, "Priape", conçu avec la déesse de l’amour Aphrodite. L'enfant sera également un dieu de la Fertilité et de la Végétation. Le poète "Aristophane" (Vᵉ siècle av. J.-C.) le représentera sous la forme d'un personnage comique dans Les Grenouilles. Les Romains l'identifieront au vieux dieu rustique italique, "Liber Pater". Priape divinité phallique tire son origine du "Feu divin" dont le phallus est l’image. À Délos, le temple de Dionysos, un lit cérémoniel appelé "stibadeïon" était entouré de colonnes ithyphalliques, mutilées depuis, dont seules les testicules ont survécu. L’éjaculation, le jet spermatique, la semence était perçue comme un « feu de la procréation » (21) : il était invoqué comme protecteur de la fertilité agricole et présidait peut-être aussi à la génération animale.

« Pourquoi je suis un destin » Nietzsche, Ecce Homo : comment l’on devient ce que l’on est (22). 

Sous le portrait de Lou est écrit Eternel retour du même, en rose. Cette annonce ressemble à un titre de tragédie qui aurait été jouée au théâtre de Dionysos  à l'occasion des Grandes Dionysies annuelles. Ainsi parlait Zarathoustra ou Ainsi parla Zarathoustra, sous-titré Un livre pour tous et pour personne (en allemand : "Also sprach Zarathustra", Ein Buch für Alle und Keinen ), est un poème philosophique de Friedrich Nietzsche, publié entre 1883 et 1885Cette petite phrase Ainsi parla Zarathoustra, comme un leitmotiv lancinant, ponctue l'ensemble du livre présentant un enchainement de discours, comme autant d’étapes de la doctrine du héros du poème épique. Le livre comporte quatre parties, et commence par un prologue. Selon le traducteur Henri Albert (1869/1921), chaque partie fut composée en une dizaine de jours. Néanmoins, les brouillons des textes infirment cette affirmation, et Nietzsche voulait sans doute parler de la phase finale d'écriture. Il a décrit, dans Ecce homo, la violente inspiration qui l'avait saisi lors de la composition de ce poème : « Tout cela se passe involontairement, comme dans une tempête de liberté, d'absolu, de force, de divinité... C'est dans le cas de l'image, de la métaphore, que ce caractère involontaire de l'inspiration est le plus curieux : on ne sait plus du tout ce qui est symbole, parallèle ou comparaison : l'image se présente à vous comme l'expression la plus juste, la plus simple, la plus directe. Il semble vraiment, pour rappeler un mot de Zarathoustra, que les choses mêmes viennent s'offrir à vous comme termes de comparaison. » (23).

Nietzsche considéra cette œuvre comme le péristyle de sa philosophie, et Le Gai Savoir et Par-delà bien et mal comme ses commentaires, l'un écrit avant le texte, l'autre l'expliquant d'une manière trop cultivée pour être accessible. Ce livre serait comme un « 5e évangile », il veut en faire l'équivalent des poèmes de Goethe, de Dante Alighieri et des textes de Luther.  Ainsi parla Zarathoustra est ainsi à la fois un long poème et une œuvre de réflexion sur une nouvelle promesse d'avenir pour l'homme. Mais c'est aussi une parodie. Zarathoustra se retirant dix ans dans la montagne, et sentant un jour le besoin de partager sa sagesse, rappelle le séjour du Christ dans le désert, et certains passages du quatrième livre font songer à la Cène. Les symboles religieux ou ésotériques sont également très nombreux. Enfin on ne peut s'empêcher de songer à François d'Assise (1181/1226), modèle d'amitié entre les hommes et les animaux  (24).

Zarathoustra est le nom avestique de "Zoroastre" né à Ray en Iran et mort en 583 av. J.-C. à Bactres en Afghanistan, prophète et fondateur du "zoroastrisme", l'ancienne religion perse Mazdéisme du nom du seigneur de la sagesse, le dieu Ahura Mazda. L’auteur garde le nom Zoroastre en allemand,  il l'a choisi car il fut le premier à enseigner la doctrine morale des deux principes du bien et du mal. Ainsi, symboliquement, Zarathoustra à travers Nietzsche abolit-il lui-même sa propre doctrine : « On ne m'a pas demandé — mais on aurait dû me demander —, ce que signifie dans ma bouche, dans la bouche du premier immoraliste, le nom de Zarathoustra, car c'est juste le contraire qui fait le caractère énormément unique de ce Perse dans l'histoire. Zarathoustra, le premier, a vu dans la lutte du bien et du mal la vraie roue motrice du cours des choses. La transposition en métaphysique de la morale conçue comme force, cause, fin en soi, telle est son œuvre. Mais cette question pourrait au fond être considérée déjà comme une réponse. Zarathoustra créa cette fatale erreur qu'est la morale ; par conséquent il doit aussi être le premier à reconnaître son erreur. »

« - Hélas ! mon Zarathoustra cherche encore cet auditoire (capable de le comprendre), il le cherchera longtemps ! »

Zaroastre est un poète persan et prophète du zoroatrisme du XIe. S. av. J.-C., sa vie est connues grâce aux hymnes gathiques de l'Avesta, rédigés dans une langue indo-iranienne archaïque, vieille d'environ 3.000 ans, l'avestique (25).

« (…) la philologie est la science de la connaissance déjà produite par le passé » August Böckh (1785/1867), philologue et antiquaire qui oppose la philologie à la philosophie. Nietzsche est nommé à 24 ans professeur de philologie, à l’université de Bâle en Suisse. Du grec philos (aimer) et logos (la langue ou le discours ordonné), la philologie est la science qui est chargée de reconstruire un texte ou un livre ancien dont on pense que l'original a été perdu. Le philologue s'aide pour cela de copies de ce texte ou de ce livre. On pense que ces copies sont incorrectes parce que, au cours de l'histoire soit du texte a été enlevé ou ajouté, soit du texte a été modifié, soit des erreurs se sont glissées durant la ou les copies successives. Pour retrouver le texte "idéal", le philologue utilise toutes sortes de sciences, mais principalement l'étude de l'évolution des langues au cours de l'histoire. En effet, les ajouts, les modifications, et parfois même les erreurs, sont faits avec la langue de leurs époques. Plus les copies sont éloignées de l'époque du livre perdu, plus les modifications peuvent employer une langue qui peut être différente du texte vu comme l'original. Un des premiers travaux du philologue est donc de dater les différentes copies qu'il a entre les mains.

« Zarathoustra (ou Zoroastre) est le grand oublié de l'histoire des religions. Inventeur du monothéisme il y a 3700 ans, il a donné naissance à la religion des empires perses jusqu'à l'avènement de l'islam. Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que soit enfin déchiffrée la langue des écrits originels de Zarathoustra, les Gathas, langue oubliée depuis des millénaires par les zoroastriens eux-mêmes. Le message de ces hymnes d'une grande poésie se révèle étonnamment moderne. Apôtre de la Justesse et de la Pensée Juste, les deux premiers attributs de ce Dieu unique qu'il appelle Ahura Mazda, Zarathoustra veut mener hommes et femmes vers une vie heureuse et dénonce la corruption des élites politiques et religieuses, les faux dieux et les sacrifices sanglants. Les plus grands philosophes grecs se réclamaient de lui, tandis que le judaïsme et le christianisme ont puisé à sa source les notions fondamentales de paradis, d'enfer, de royaume de Dieu. » Khosro Khazai Pardis.

Hapax.

Pendant longtemps, le terme "hapax" a qualifié les mots (ou expressions) que les traducteurs ne pouvaient traduire de façon certaine, car il n'en existait qu'une seule occurrence dans la littérature. Ainsi, la totalité des textes composant la Bible en hébreu comporterait environ 2.000 hapax sur 8.000 vocables différents (pour 300 000 mots), ce qui rend difficile leur interprétation. Le terme peut également s'appliquer aux glyphes ; environ 10 % de l'écriture maya reste difficile à déchiffrer car il est difficile de s'accorder sur le sens des hapax restants. Il est peu usuel de croiser un mot rare donné (a fortiori un hapax donné), mais il n'est pas rare de rencontrer des mots rares. Cette abondance des hapax (a fortiori des mots rares) dans la plupart des textes, des langues, est un phénomène cohérent avec la loi empirique des fréquences des mots.

Par métonymie, la notion d'"hapax existentiel" fut introduite par Vladimir Jankélévitch, qui explique que « toute vraie occasion est un hapax, c'est-à-dire qu'elle ne comporte ni précédent, ni réédition, ni avant-goût ni arrière-goût ; elle ne s'annonce pas par des signes précurseurs et ne connaît pas de « seconde fois ». Ainsi de la perte d'un enfant, pour sa mère : « Mais l'enfant qu'elle a perdu, qui le lui rendra ? Or c'est celui-là justement qu'elle aimait… Hélas, aucune force ici-bas ne peut faire revivre ce précieux, cet incomparable hapax littéralement unique dans toute l'histoire du monde. » (26).

Il s'agit donc d'un événement unique dans ses aspects constituants (haeccéité, temps) et qui fait naître brusquement et nécessairement un cheminement de vie et de pensée original et personnel. L'hapax existentiel de Nietzsche est célèbre : frappé de transe au pied d'un rocher à Silvaplana en Suisse, le philosophe a l'intuition foudroyante de l'Éternel Retour. De ce moment de révélation, il ne parlera qu'en de très rares occasions, et à voix basse. Lou Andreas-Salomé va jusqu'à voir dans ce "hapax existentiel" presque un trait de folie - cette folie où Nietzsche sombrera le 3 janvier 1889 jusqu’à sa mort. Se serait-il prit pour Siddhārtha Gautama nommé Buddha pour avoir transcendé la dualité samsara/nirvāna selon le bouddhisme maāyāna (1) ou pour Shiva Yogarâja, le terrible dieu hindou, celui qui porte bonheur, comme beaucoup d’autres philologues en hôpital psychiatrique qui se croient avatar de Napoléon, l’homme au bicorne ?

« Aux confins de l'Inde, du Pakistan et de l'Afghanistan, l'ancien royaume du Gandhara opéra une étonnante fusion culturelle et artistique entre hellénisme et bouddhisme. Deux cents œuvres exceptionnelles - bas-reliefs et statues de schiste ou de grès, objets d'or ou de bronze - évoquent ces surprenantes « noces de Dionysos et de Bouddha » sur fond de guerres et d'invasions permanentes. Une culture méconnue, originale, sereine et raffinée, balayée au VIe siècle par les hordes des Huns. » Joëlle Chevé, Historia n° 763.

«  [...] Dionysos est le Prôtogonos (le Premier-né) comme Shiva est Prathamajâ (Premier-né), le « plus ancien des dieux », aussi appelé Bhâskara(Lumineux) ou Phanès (Celui qui illumine) dans la tradition orphique. Ce dieu qui enseigne l'unité fondamentale des choses est appelé Shiva (Bienveillant) ou Meilichios (le Bienveillant). Il est Nisah (la Béatitude), le dieu de Naxos ou de Nysa. » (27) Alain Daniélou.

Nietzsche hérite du concept de l’ « Eternel Retour du même », des Stoïciens ; lesquels croyaient en une vision cyclique de l’Univers, tout revenant un jour ou l’autre. Epictète (50/130), notamment, affirmait que tout ce qui arrive est déjà arrivé et arrivera de nouveau.

« Je veux raconter maintenant l’histoire de Zarathoustra. » La conception fondamentale de l’œuvre, l’idée de l’Éternel Retour), date du mois d’août de 1881. Elle est jetée sur une feuille de papier avec cette inscription : « À 6.000 pieds par delà l’Humain et le temps. » "Ecce homo". Il dit : « Comment ? Était-ce là la vie ? Allons ! Recommençons encore une fois ! » … « Je reviendrai, avec ce soleil et cette terre, avec cet aigle et ce serpent, - non pour une vie nouvelle, ou une meilleure vie, ou une vie ressemblante ; - à jamais je reviendrai pour cette même et identique vie, dans le plus grand et aussi bien le plus petit, pour à nouveau de toutes choses enseigner le retour éternel, - » Ainsi parla Zarathoustra.

Extrêmement libre dans ses écrits, ses paroles, aux dires contraires à la pudeur, à la décence de son temps, son œuvre est qualifiée de licencieuse comme le signale la réglementation du panonceau ovale bleu, blanc rouge Licence IV - Conforme à la loi du 24 Septembre 1941 du régime de Vichy qui doit être affichée visiblement et obligatoirement dans tous les débits de boissons proposant des boissons alcoolisées du 4 éme. groupe (rhums, tafia, alcool de vins, cidres, poirés, liqueurs anisées édulcorées et autres liqueurs édulcorées)

« Après le vin, on a la parole vraie. » ou que « Vient le vin, sort le secret. » disent les dictons populaires. Au Zoo les humains se donnaient rendez-vous et buvaient : « In vino veritas » - « Dans le vin, la vérité ». On trouve cette locution latine dans l’Histoire naturelle de Pline l’ancien (23/79), mais elle provient surement du  poète grec de l’époque archaïque (VII e. s. av. J.-C.) Alcée de Mytilène, comme Dionysos, Bacchus ou Liber Pater.

« Le jus de la vigne clarifie l’esprit et l’entendement, apaise l’ire, chasse la tristesse et donne joie et liesse. » écrivit François Rabelais (1493/1553) tout à la fois Panurge et Triboulet, ecclésiastique et anticlérical, moine et libre-penseur pantagruélique, médecin et bon vivant gargantuesque. L’épilémie, ou ode bachique, que chante la "prêtresse Bacbec", pour recueillir le mot de la Dive Bouteille montre cette ivresse ou s’enivrent délires folkloriques et jouissances de lettrés, culture de clercs et légendes populaires, entre évocations gourmandes ou paillardes et diète et vomis, facéties et hérésie : « Ensemble eulx, commença rire maistre Janotus, à qui mieulx, mieulx, tant que les larmes leur venoient es yeux : par la vehemente concution de la substance du cerveau à laquelle furent exprimées ces humiditez lachrymales, et transcoullées jouxte les nerfs optiques. » François Rabelais, Gargantua, XIX.

Vénus Aphrodite est la déesse patronne des « louves», « lier, enchaîner » car, pour les romains elle unit le feu mâle à l'eau femelle, d'où résulte la vie. L’eau de vie !

Junon Héra déesse des "matrones", veillait à l'initiation des jeunes filles à leur rôle de futures mères et intervenait lors du passage de l'état d'enfant à celui de fille nubile, et présidait aux mariages et aux accouchements. Elle a auprès d'elle un paon, son oiseau favori. La matrone était la mère de famille, digne et respectable, chargée du bon maintien de la maison et de l'éducation des enfants. Elles sont dispensées de tout travail domestique ou agricole, sauf du filage de la laine,  La mère de famille dispose d'un certain pouvoir à l'intérieur de la maison, elle dirige les servantes et les esclaves. On l'appelle la « domina ».

Lou-louve, sorcière nietzschienne, louve de garde. « Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours » Benoite Groult (1920/2016)

Les divinités "Pénates" sont chargés de la garde du foyer et plus particulièrement des biens, du feu servant à faire la cuisine et du garde-manger. Les petites bourgades, les simples hameaux, les humbles maisons avaient les leurs, comme les grandes villes et les vastes États possédaient des statues antiques, vénérées par leurs ancêtres. Ces idoles appelées Pénates avaient des vertus apotropaïques. Les familles se choisissaient librement leurs Pénates parmi les grands dieux ou les grands hommes déifiés (généralement au nombre de deux, l'un pour la nourriture, l'autre pour la boisson se transmettaient comme un héritage, de père en fils. Dans chaque habitation, on leur réservait une place, au moins un réduit, souvent un autel et parfois un sanctuaire (nommé laraire). Les Pénates sont toujours invoqués collectivement ; ils sont attachés à la famille et la suivent dans ses déplacements (au contraire des "Lares" qui sont attachés au lieu).

Les Lares, parfois aussi appelés "Genii loci", sont des divinités romaines liées à un lieu donné. Les Lares sont appelés à protéger les êtres humains quels qu'ils soient, les hommes les intéressant en tant qu'usagers de leur domaine. Le Lare protège indistinctement le peuple libre et servile « quel que soit son lieu, le Lare est appelé a y protéger les êtres humains en tant qu'habitants ou usagers de son domaine.» (28) Pour obtenir leur protection, on leur consacre une place dans la maison et on leur offre des aliments sur le "Lararium" (temple domestique). Les Romains mettaient des offrandes telles que de la nourriture pour les dieux domestiques.

A la campagne, le principal lieu de culte des Lares est le carrefour, "compitum", là, où se réunit tout le canton pour certaines délibérations. De petites tours y sont construites avec autant de portes qu'il existe de domaines confluents. Face à la tour, sur le bord de chacun des domaines est dressé un autel en sorte que chaque propriétaire puisse sacrifier les pieds sur son sol. C'est là que se célèbrent les "Compitalia".

« Entre la sphère de la Lune et les derniers sommets de la zone des nuages et des vents demeurent les âmes aériennes (aerias animas), visibles à l'intelligence, non aux yeux, et appelées héros, lares et génies. » Varron, questeur, préteur.

« Carior est ipsa mentula » (Mon pénis est plus précieux que ma vie), les vestales étaient six, confiées à la garde de la plus âgée, la "Virgo maxima". Elles gardaient l’objet indévoilable talismanique et entretenaient la flamme de la meute. Celle qui violait le vœu de chasteté était enterrée vive dans le Champ Scélérat, près de la Porte Colline, là où les louves (les prostituées revêtues de la toge brune obligatoire que plus tard reprendront les moines pénitents) rendaient le 23 avril leurs actions de grâces à "Vénus Sauvage" et se dénudaient entièrement devant le peuple pour soumettre leur corps à son jugement. Les vestales protégeaient Rome (feu et sexe). Le sexe de chaque homme était sous la protection d’un "genius" auquel il sacrifiait des fleurs (des organes sexuels féminins) sous la protection de "Liber Pater". Ce sont les "Floralia". Genius est celui qui engendre (gignit, ou encore quia me genuit), ce premier "ange gardien" est un ange sexuel. De la même façon le lit conjugal à deux places se nommait le lectus genialis. Chaque homme a un genius qui sauvegarde ses genitalia de l’impotentia et protège sa gens de la stérilité, de l’impuissance, de la faiblesse Galien (129/201) médecin des empereurs romains a écrit de façon plus étonnante que le logos spermatikos était aux testicules ce que  l’ouïe était à l’oreille et ce que le regard était aux yeux (29).

« On a dans l’idée qu'aimer, c'est être doté d’un pouvoir, qu’il suffit à l’amant d’appeler le prénom élu pour orner chaque jour d’un bonheur sans partage. Si nous laissions seul l’émoi nous guider, alors nous reviendrait que l’amant n’a pas assez de mains, pas assez de lèvres, pas assez de sexes pour combler l’insatiable et que l’amour ne fait que des impotents, des sujets tout à la dévotion l’un de l’autre qui, en dehors de l’extase et malgré la force joyeuse qui les étreint, ont toujours le cœur tremblé. » Laurent Girerd (1972) (30).

Jean-Bernard Pouchous, 2020.

Bibliographie - suite :

07-14-Lou-Andréas Salomé, L'amour du narcissisme, éd. Gallimard, 1980.

07-15- Josh Sims, L'éternel masculin - Icônes de mode et vestiaire idéal, éd. de la Martinière, 2011.

07-16- Friedrich Nietzsche, Paul Rée, Lou von Salomé : Correspondance, éd. PUF, coll. Quadrige, 2001.

07-17- Friedrich Nietzsche, trad. Maurice de Gandillac, Ainsi parlait zarathoustra, éd. Gallimard, 1971.

07-18- Julia Vickers, Lou von Salomé - a biographie of a woman Who inspired Freud, Nietzsche et Rilke, éd. Mc Farland, 2012.

07-19- Élisabeth Roudinesco, Michel Plon, Dictionnaire de la pshychanalyse, éd. Fayard, 2006.

07-20- Stéphane Michaud, LouAndréa-Salomé, L’alliée de la vie, éd. Points, 2017.

07-21- Jean Haudry, Le feu dans la tradition indo-européenne, éd. Archè, 2016.

07-22- Nietzsche, Ecce Homo : comment l’on devient ce que l’on est, éd. Flammarion, 1999.

07-23- Friedrich Nietzsche, trad.  Henri Albert, Ainsi Parlait Zarathoustra (texte intégral): Un livre pour tous et pour personne, éd. Independently published, 2017.

07-24- Friedrich Nietzsche, Ecce homo, éd. Mille et une nuits, 1997.

07-25- Zarathoustra, trad. Khosro Khazai, Le livre sublime de Zarathoustra, éd. Albin Michel, 2011.

07-26- Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, éd. PUF, 1957.

07-27- Philippe Cornu , Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, éd. Le Seuil, 2006.

07-27- Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, éd. Fayard, 1979.

07-28- Georges Dumézil, La religion romaine, éd. Payot, 1987.

07-29- Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi, éd. Gallimard, coll. Folio, 1996.  

07-30- Laurent Girerd, Impotentia, éd. Chasse au Snark, 2002.

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