top of page

Substrat - N° 4

N°4-"L'Ananas en 1970", 2004, acrylique sur toile, 162 x 130 cm.

« La morale est un enduit qui rend l’homme imperméable à la grâce. » Charles Péguy (1873-1914).

 

N°4- Calendriers et éthique.

Cette peinture intitulée L’Ananas en 1970, représente deux filles qui s’affairent autour d’un ananas. L’aînée vient de trancher l’une des deux extrémités du fruit, sous le regard interrogatif de sa cadette qui vient d’arrêter d’écosser ses petits pois. Sur la table sont éparpillés toutes sortes de légumes comme des haricots, des carottes, des oignons, des pommes de terre, des tomates, etc…

Derrière nos deux apprenties ménagères, il y a un meuble peint d’une laque grise rehaussée de filets bleus ; dessus sont posés de gauche à droite : une tasse chinoise, un dessous de plat marocain et dans un vase émaillé blanc quelques fleurs fuchsia, jaunes et blanches.

Le fond est un mur bleu uni, sur lequel a été accrochée la célèbre affiche de Mai 68 intitulée La lutte continue (1) représentant une usine dont la cheminée a été transformée en poing levé (2), (sérigraphie rouge sur papier, 1968, collection de l’artiste.) 

En haut du tableau et par-dessus l’affiche, sont alignées quatre vignettes circulaires représentant symboliquement les quatre grandes religions du monde (en nombre de fidèles), soit de gauche à droite : chrétienne, hindouiste, musulmane et  bouddhiste (3).

Nous imaginons que nous sommes chez  un baba devenu pépé écolo de deux charmantes enfants qui suivent l’atelier découverte des légumes et des fruits de maman bobo (4). C’est un mode de loisir familial, dit éducatif à cause des nombreuses leçons de choses qui en émaillent régulièrement les jours de vacances scolaires.

La philosophie  peut en être résumé ainsi : Tout ce qui ne peut être appréhendé dans l’expérience est inconnaissable (recherche du doute absolu). D’ailleurs les murs de la pièce reflètent bien l’ambiance symbolique soixante-huitarde des habitants : le poing sortant par la cheminée d’une usine est placé au même  niveau iconographique que des symboles religieux anciens.

C’était l’époque où la science et l’industrie triomphaient au milieu d’une population accrochée à une métaphysique dogmatique. Un monde où les intellectuels s’interrogeaient sur une ontologie indifférente à toute éthique. C’était avant le terrorisme international (5), et le réchauffement climatique.

Ce genre d’atelier à la maison servait surtout à parler en abordant des thèmes d’interrogation variés. En général, il avait lieu à chaque nouvelle lune, le premier jour de chaque mois, jour que les Romains appelaient calendes. Dans l’antiquité, à Rome, ce jour-là, les pontifes annonçaient la date des fêtes mobiles du mois suivant et les débiteurs devaient payer leurs dettes inscrites dans les calendaria, livres de comptes. Calendaria, calende, calendrier, comptes, voilà ! L’objectif de cette éducation pourrait être résumé ainsi : Apprendre à gérer (société) et à s’autogérer (individu), pour prévoir et prévenir, plutôt que repousser indéfiniment la réalisation d’une action (6).

Renvoyer aux calendes grecques (Ad kalendas graecas), la réalisation de toutes ces dettes ancestrales, héritées de notre passé occidental.

Non ! Pour vivre au présent il faut savoir que : « Payer ses dettes enrichit » car  « Les bons comptes font les bons amis » et que « Le temps c’est de l’argent », n’est-ce pas !

En effet, contrairement aux Romains, les Grecs n’ayant jamais eu de calendes, l’expression fait référence à une date inconnue, ce qui revient donc à  renvoyer « à la semaine des quatre jeudis », « à Pâques ou à la Trinité » ou « quand les poules auront des dents » ou « à la saint Glinglin ».

bottom of page