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PLEIN-VIDE

Photos de tournage du film "Plein-Vide", 1983.

« Il n’y a point de génie sans un grain de folie. » Aristote (1).

 

Plein, vide.

En logique aristotélicienne, le syllogisme est un raisonnement à deux propositions (également appelées prémisses) conduisant à une conclusion qu’Aristote a été le premier à formaliser. Par exemple "Tous les hommes sont mortels, or les Grecs sont des hommes, donc les Grecs sont mortels" est un syllogisme ; les deux prémisses (dites majeure et mineure) sont des propositions données et supposées vraies, le syllogisme permettant de valider la véracité formelle de la conclusion.

Paradoxe de l’avocat : Euathlos, s’il gagne son premier procès, doit payer Protagoras. Or, c’est Protagoras lui-même qui décide d’attaquer Euathlos.      Donc, le jugement et les éventuels dommages seront forcément en sens opposé à ce que prévoyait l’accord.

Paradoxes basés sur un syllogisme en  A-A-A

Ce type de paradoxe tire son nom des syllogismes dits "en barbara", (A-A-A = deux prémisses et conclusion universelles et affirmatives) :

Le paradoxe de "l’emmental" en est le plus fameux exemple :

Plus il y a d’emmental, plus il y a de trous

or plus il y a de trous, moins il y a d’emmental

donc plus il y a d’emmental, moins il y a d’emmental.

Le plein c’est le vide et vise et versa!

Comme le dit Robert Blanché (1898-1975) (2), une tautologie, ne nous apprend rien sur le réel, elle est vide de contenu. Elle est purement  formelle, sa valeur de vérité est soustraite aux contingences du réel, elle ne dépend pas de l’expérience : une tautologie est vraie a priori parce que vraie nécessairement.

Les sept photos montrées plus haut, ont été prises lors du tournage du film PLEIN-VIDE, en 1983. Nous sommes dans mon atelier d’artiste d’alors, rue Richard Lenoir dans le onzième arrondissement. Les 6 minutes du film se déroulent dans un même décor : une caisse.

En fait il y avait autant de caisse que de plan. Chaque plan était prévu d’être tourné en 2 prises maxi. C’était risqué puisque chaque action de chaque plan vidait ou remplissait une caisse, caisse qui inévitablement se retrouvait donc inutilisable pour le plan et l’action suivante, mais qui ne risque rien… et çà a marché.

Ne dites pas que l'on ne veut pas vous mettre en boite!

L’image N° 1, nous montre le logo de cette aventure.

La photo N° 2, nous montre le réalisateur, j’ai alors 33 ans et je suis en train de diriger la scène de l’homme perdu sur une île déserte. La scène raconte si cette solitude est vécue comme pleine ou vide, comme libre ou occupée ? D’ailleurs si vous regardez bien la photo vous devinerez que je tiens de la main droite une petite pancarte en plastique sur lequel était imprimé en rouge d’un côté le mot OCCUPE et de l’autre le mot LIBRE. Nous distinguons  le naufragé solitaire qui était en plâtre peint et son île déserte qui était en pâte à modeler de couleur. L’océan et le ciel étaient peints sur les planches de la moitié inférieure intérieure de la caisse construite en perspective forcée. Cette découverte était peinte sur un fond placé à une certaine distance de l’arrière de la caisse pour permettre son éclairage. La ligne d’horizon de la peinture du fond et de celle dans la caisse devait être raccord dans la perspective à la prise de vue.

  La photo N° 3, nous montre la chute des caisses sur le journaliste qui parle dans le vide.

  La photo N° 4, nous montre la caisse aquarium

  La photo N° 5, nous montre la caisse éléphant était mise manuellement en rotation comme le tambour d’une archaïque machine à laver.

  La photo N° 6, nous montre la caisse dans laquelle il a été construit un décord'île perdue au milieu de l'océan avec un naufragé solitaire.

  La photo N° 7, nous montre un des dispositifs qui permettait d’immatérialiser en information audiovisuelle une action plastique à l’intérieur d’une des caisses. Il s’agit de la scène où le décor a été  détruit à la hache.

La photo N° 8, nous montre la caisse dans laquelle il y a une caisse dans laquelle il y a la photo d’une caisse remplie d’un personnage qui en fumant   rempli les caisses de fumée.

En fait ce film était une vidéo, une de la première vidéo produite par le Centre Pompidou. Elle était conçue pour faire partie d’une installation vidéo arts plastiques. Il a été montré sur un moniteur vidéo (tube cathodique) qui était caché dans une caisse ouverte au public.

Le  magnétoscope U-matic qui diffusait en boucles la vidéo, était caché dans une caisse attenante fermée. Ainsi les visiteurs de l’expo PLEIN VIDE  de l’atelier des Enfants du Centre Georges Pompidou en 1983, pouvaient voir au fond de la caisse l’écran diffusant en boucle le film PLEIN-VIDE.

Toute l’expo sur le thème PLEIN-VIDE était pleine de caisses espacées des vides nécessaires à la scénographie et au cheminement du public. Une vingtaine de caisses de tailles et de formes différentes évoquaient chacune une thématique PLEIN-VIDE  particulière et d’autres étaient simplement des socles ou du décor.

Par exemple "La caisse à bonjour" était une caisse qui à hauteur de main était percée de trous plus ou moins gros. Au-dessus de chaque trou était indiqué selon leurs hauteurs s’il s’agissait d’un "bonjour" s’adressant à des enfants ou des adultes. Si nous y introduisions une main nous avions l’impression que quelqu’un nous serrait la main. En fait le conduit qui tenait alors notre main était simplement le moule en négatif de quelqu’un qui vous serrait la main.

Autre exemple, la poubelle de l’expo, était un contenant fait de détritus, elle était vide. Et ainsi de suite…

C’est une réalisation qui avait vidé (énergie) son réalisateur mais aussi bien rempli (feed back). son auteur

Logique! La logique est à l’origine la recherche de règles générales et formelles permettant de distinguer un raisonnement concluant de celui qui ne l’est pas (3). Elle trouve ses premiers tâtonnements dans les mathématiques et surtout dans la géométrie sous l’impulsion d’Euclide (-325 à -265) (4) et d’Aristote. Mais aussi la logique a très tôt été utilisée contre elle-même, c’est-à-dire contre les conditions mêmes du discours. Le sophiste Gorgias (-483 à -375) l’utilise dans son traité du "non-être" (5) afin de prouver qu’il n’y a pas d’ontologie possible: « ce n’est pas l’être qui est l’objet de nos pensées ». Il enseignait l’art de persuader, selon Platon (-428 à 348-) il détournait l’emploi de la rhétorique de sa raison d’être, c’est à dire d’affirmer des idées (6). Cette critique a porté un fort discrédit sur la pensée de Gorgias et le qualificatif  "sophiste" est depuis péjoratif, ce qui ne l’a pas n’a pas  empêché aux dires de certain de vivre jusqu’à 108 ans.

« Si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas (...). Or il est tout à fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas à la fois. Donc le non-être n’est pas.

Si le non-être existe ainsi que l’être, le non-être sera identique à l’être du point de vue de l’existence : si bien qu’aucun des deux ne sera. Que le non-être n’existe pas, c’est admis ; démonstration a été donnée que l’être serait constitué comme lui, et ainsi, l’être lui-même n’existera pas.»

"La vérité matérielle" de la logique est ainsi ruinée.

Le langage acquiert ainsi sa propre loi, celle de la logique, indépendante de la réalité. Mais les sophistes ont été écartés de l’histoire de la philosophie, si bien que la logique, dans la compréhension qu’on en a eut est restée soumise à la pensée de l’être.

L’œuvre d’Aristote appelée l’ "Organon" (7), où figure notamment l’étude du syllogisme, fut longtemps considérée comme le manuel de référence sur ce sujet. La logique est alors considérée comme un "instrument", un outil de travail, alors que les "stoïciens" affirment que la logique constitue une part entière de la philosophie (8).

Mais la naissance d’une logique formelle dépassant la structure binaire entre sujet et attribut à partir du XIX e. siècle, a profondément changé cet état de fait.

L’informatique  s’est attaquée rapidement à l’automatisation des calculs et des démonstrations, aux fondements théoriques de la conception des systèmes, de la programmation et de l’intelligence artificielle. L’approche informatique est cruciale parce que c’est en essayant de mécaniser les raisonnements,  voire de les automatiser, que la logique et les mathématiques vivent une véritable révolution aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle. Les conséquences épistémologiques de ces développements sont encore largement insoupçonnées (9).

Cette aventure PLEIN-VIDE avait un sens, elle mêlait langage plastique et langage audio-visuel grâce à cette nouvelle technologie qu’était alors la vidéographie dans ces années là.

Jean-Bernard Pouchous a re-montrer dix ans après, cette installation vidéo au public du salon d’Automne de 2004, ce fut un moment très émouvant, les enfants qui avaient vu PLEIN-VIDE  à l’époque avaient vingt ans de plus.

Jean-Bernard Pouchous - 2007.

Bibliographie :

-1- Alexis Philonenko, Leçons aristotéliciennes, éd. Les belles lettres, 2002.

-2- Robert Blanché, La logique et son histoire d’Aristote à Russel, éd. Armand Colin, coll. U, 1991.

-3- Antoinette Virieux-Reymond, La Logique formelle, éd. PUF, coll. le Philosophe, 1975.

-4- Léonard Mlodinow, Dans l’oeil du compas : La géométrie d’Euclide à Einstein, éd. Saint Simon, 2002.

-5- Platon, Monique Canto-Sperber, Gorgias, éd. Flammarion, coll. GF, 2007.

-6- Cassin, Le plaisir de parler : Etudes de sophistique comparée, éd. De Minuit, coll. Arguments, 1986.

-7- Aristote, Jean Tricot, Catégories de l’interprétation : Organon I & II, éd. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 2000.

-7- Aristote, Jean Tricot, Les premiers analytiques : Organon III, éd. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 1992.

-7-Aristote, Jean Tricot, Les seconds analytiques : Organon IV, éd. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 2000.

-7- Aristote, Jean Tricot, Les tropiques : Organon V, éd. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 1997.

-7- Aristote, Jean Tricot, Les réfutations sophistiques : Oraganon VI, éd. Vrin, coll. Bibliothèque des textes philosophiques, 1995.

-8- Frédérique Idefoncse, Les stoïciens, éd. Les Belles Lettres, coll. Figures du savoir, 2000

-9- Jean Dhombres, Angèle Kremer-Marietti, L’épistémologie : Etat des lieux et positions, éd. Ellipses marketing, coll. Philo., 2006.

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