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Josette Einstein

Photo de plateau de la vidéo-danse " Josette Einstein".

2 photos de plateau du tournage de "Josette Einstein".

2 photos d’écran de la vidéo-danse "Josette Einstein".

« Mêle à ta sagesse un grain de folie; il est bon de faire à propos quelque folie. » Horace.

 

Josette Einstein.

« Si l’on considère un système de points matériels liés entre eux de manière que leurs masses acquièrent des vitesses respectives différentes selon qu’elles se meuvent librement ou solidairement, les quantités de mouvements gagnées ou perdues dans le système sont égales. » Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783) auteur du "Traité de dynamique" (1743), appelé "principe" (1). En fait, ce "principe"  postule que, par exemple, la table sur laquelle est posé l’objet est passive c’est à dire qu’elle n’oppose que des forces de réaction au corps, et ne va pas lui fournir une quelconque accélération.

En 1986, Jean-Bernard Pouchous, écrit, tourne "Josette Einstein" une vidéo danse produite par Blizz'art , K'danse, l'American Center, AAA, Daïkiri, le Centre George Pompidou et Canal plus.

K'danse est la compagnie de danse de Jean-Marc Matos (chorégraphe et danseur), AAA (Animation Art Graphique Audiovisuel) est la société de production des Shadocks de Jacques Rouxel (1931-2004). Daïkiri était la boite de production infographique de Jean-Claude Moissinac qui a réalisé le logiciel ayant  permis de monter la vidéo comme si nous étions sous "Window" (c’est-à-dire un systhème de dessin animé de fenêtres automatiquement pilotées  par la souris d’un ordinateur).

 Musique oroginale : Scott Mc. Kleay.

 

 

 

 

 

 

 

 

« Quand les myopes deviennent visionnaires, les muets se font entendre. » Proverbes ivoiriens.

L’American Center (le Centre Américain de Paris) se situait boulevard Raspail à l’actuel emplacement de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Aujourd’hui disparut, ce lieu était le centre culturel le plus "art vivant" de la capitale, mais aussi "Le plancher chorégraphique" de la danse contemporaine parisien et le creuset de maintes création artistiques françaises originales.

Normalement le film aurait dû s’appeler "jeu d’écran" mais à la réalisation du générique l'auteur-réalisateur a finalement opté pour "Josette Einstein" en référence à cette blague juive très connue :

Question : Quels sont les cinq plus grands hommes juifs  qui ont marqué le monde ?

Réponse: « Le premier, c’est Moïse pour qui tout est dans la Loi. Le second, c’est Jésus pour qui tout est amour. Le troisième, c’est Marx pour qui tout est capital. Le quatrième, c’est Freud pour qui tout est sexuel. Le dernier, c’est Einstein pour qui tout est relatif…»

L’idée du film est venue à l'auteur en regardant l’écran de son ordinateur.  A l’époque, Jean-Bernard Pouchous travaillais sur un Macintosh 512k, noir et blanc. Il fonctionnait sous "windows" (fenêtres). C’était révolutionnaire, un petit boîtier relié par un fil à l’ordinateur (appelé souris) permettait d’actionner manuellement les fonctions visualisable à l’écran. Avant, les commandes dépendaient uniquement du clavier qui provoquait un mode de lecture en mode linéaire, fait uniquement d’apparition/disparition sur déroulement X et Y. Ce système "windows" extrêmement simple, permettait grâce au suivi visuel sur écran, d’une petite flèche, d’ouvrir, de fermer, de piloter différents encadrements, écrans, dessins, idéogrammes ou symboles graphiques, lettres, signes, chiffres, boutons, images, etc… comme autant de personnages de dessin animés (2). Ce petit miracle technologique américain d’Apple Computer,  dont son président Steve Jobs (1955-2011) avait pris conscience du potentiel innovant du couple "interface graphique" et "souris" pour les ordinateurs personnels Apple. Cet appareil était commercialisé depuis 1984 comme le premier ordinateur grand public offrant ces innovations sous le nom de "Macintosh" (3).

Le scénario de "Josette Einstein", par contre, est survenu en regardant une poupée russe, il suffisait d'exploiter le principe comme concept de mise en abyme (4), pour organiser la suite d’actions dansées (temps) dans un contexte d’incrustation vidéo et d’animation d’écran 2D. (espace scénographique et chorégraphique).

La mise en abyme est un procédé consistant à incruster une image en elle-même, ou, d’une manière générale, à représenter une œuvre dans une œuvre de même type. On y retrouve le type d’autosimilarité qui constitue également le principe des "fractales" ou de la récursivité en mathématiques.

Dans "Les Ménines" (1657), peinte par Diego Vélasquez (1599-1660) (5), l’artiste utilise ce procédé de façon paradoxale parce qu’on ne voit pas réellement le tableau qu’il est en train de peindre, ce qui ajoute au trouble : quel est l’objet de ce tableau, le geste du peintre (qu’on ne voit pas peindre mais regarder), l’infante à ses côtés ou encore ce que regarde le peintre et qu’on aperçoit à peine dans le miroir en arrière plan (le roi et la reine), le tableau retourné ?

"Les époux Arnolfini" (1434), huile sur bois de Jan Van Eyck (1390-1441) est un autre exemple fameux dans lequel un miroir convexe reflète l’ensemble de la scène (y compris le miroir lui-même, et ainsi de suite) comme dans "Les Milles et une nuits" (6), "La Galerie des glaces" (7), un rêve dans lequel on rêve, mais aussi "La Nuit Américaine"  de François Truffaut (1932-1984) (8). D’autres formes de "mise en abyme" ou de montage en "poupée russe", m’intriguèrent à travers par exemple: "The Player" (1992) de Robert Altman (1925-2006), "L’Histoire sans fin" (1984) de Wolfgang Petersen (1941-…) d’après le roman (1979) de Michael Ende (1929-1995) (9), "Hamlet" (1598) de William Shakespeare (1564-1616) (10), "Les Fleurs bleus" (1965) de Raymond Queneau (1903-1976) (11), "Un Cabinet d’amateur" (1979) de Georges Perec (1936-1982) (12), "La Vache qui rit" (1921) et ses boucles d’oreille faites de boit de vache qui rit (13), etc…

Petit dialogue impromptu : « Où vas-tu ? Au cinéma. Qu’est-ce tu vas voir ? Quo vadis ? Qu’est-ce que ça veut dire ? « où vas-tu ? ». Au cinéma… »

Voici 2 résumés officiels de ce même film; Pouchous n'en est pas l’auteur, ce qui prouve que la mise en abîme des éléments narratifs fonctionne :

Résumé N°1 : Avec son labo RVB et son studio de prise de vue, "Josette Einstein" utilise l’énergie de son complice, S’CRIME, pour mettre en programme de la danse. Elle compile des solos, des duos, des trios... L’idée lui d’en faire un montage ... Pour cette vidéo, les danseurs vont être transformés en image analogique et amenés à métamorphoser l’espace dans lequel ils évoluent, transgresser les lois auxquelles ils obéissent. Entraînés dans un espace imaginaire (chimie de leurs réactions aux éléments audiovisuels) ils deviennent, les uns et les autres, les objets vivants d’une absurde loterie.

Résumé N°2 : Fiction dans laquelle la chorégraphie est conçue spécialement pour le cadre vidéo. Que penser de Josette Einstein ? Un nom célèbre ! La relativité, la théorie de la relativité... Et quoi d’autre? Eh bien, toute une histoire... D’abord, elle a un complice, il s’agit d’un escrimeur sans arme relié à un cordon électrique, il déploie de l’énergie face à une caméra et il danse. Josette Einstein est en train de faire une expérience extrêmement novatrice. 

Jean-Bernard Pouchous - 2008.

« En art, le savoir-faire est manquement à l'essentialité. L'artiste qui n'est pas en disposition d'oublier son savoir-faire devient progressivement paralysie de lui-même. » Louis Calaferte, Perspectives.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Josette Einstein"

Une vidéo.danse tournée par Jean-Bernard Pouchous à l’Américan Center.

Autour d’un tas de matériel électronique, penchés sur l’arrivée des machines, trois hommes, le front plissé, la main hésitante, manipulent câbles et bran­chements, pianotent sur une multitude de boutons, s’emmêlent dans les prises et les manipulations. Des sons bizarres fusent de leurs bouches:  BNC, Switch, Genlook, Chromaky ... Parfois l’un d’entre eux s’extasie, sur un écran vide un signal coloré et zigzagant fait une fugace apparition. Deux heures plus tard ce même signal, toujours zigza­gant, s’imprime dans ma rétine jusqu’à devenir un tic obsédant. Nos trois personnages hésitent encore, s’impatientent, mais insistent et recommencent inlassablement les mille et une combinaisons possibles du branchement des machines. On croirait voir une scène des Marx Brothers...

Le fautif est enfin démasqué, un câble défectueux qui passe directement à la poubelle. Aussitôt sur l’écran apparaît stabilisé et lisible, un nom, celui de Josette Einstein, titre du vidéo-danse que Jean-Ber­nard Pouchous réalise en ce moment à l’Américan Center. L’effet souhaité par le réalisateur ne prendra que cinq minutes pour être accompli, et ne durera que quelques millième de seconde au début du film. Je ne peux m’empêcher de penser que la vidéo est une excellente école de patience et de volonté, je souris en évoquant les habituelles récriminations de mes amis cinéastes qui disent souvent que la vidéo. ça. ne marche jamais, et me sens totalement satisfaite du résultat enregistré sur la bande. Une superbe image électronique, ou le nom de Josette Einstein s’incruste sur un fond coloré et foisonnant, réalisé à la palette graphique.

Plus tard un danseur habillé d’un costume d’escrime interprète un solo. Dans un ridicule laboratoire; le professeur Josette Einstein, en utilisant l’énergie de l’escrimeur, crée par un système électronique d’autres danseurs… Un curieux programme informatique pro­pulse solo, duo, trio et pas de cinq de l’intérieur du cadre de l’écran à l’espace du décor.

Le parti-pris de Jean-Bernard Pouchous et de Jean-Marc Matos, le scénariste chorégraphe, est très intéressant; il ne s’agit pas d’une retranscription vidéo d’un spectacle vivant, mais d’une chorégraphie conçue spécialement pour le cadre vidéo.

«La danse réelle se mêle a celle de l’informatique, précise le réalisateur. Le chorégraphe utilise la technologie au service de l’oeuvre chorégraphique. Dans cette vidéo, les danseurs vont être transformés en images analogiques et amenés à métamorphoser l’espace dans lequel ils évoluent… Entraînés dans un espace imaginaire, fonctionnant comme des nombres discontinus ils deviennent les uns et les autres des êtres objets vivant d’une absurde loterie. »

Des arts plastiques à l’image électronique

Jean-Bernard Pouchous est un homme d’image, plasticien, décorateur et vidéaste ; pour lui le fait de réaliser des films en vidéo est lié aux possibilités techniques de cet outil et à tous les plus qu’ajoute l’association de l’informatique. Certain que d’ici cinq ans la qualité de l’image électronique aura atteint la perfection, nourrit d’une grande culture cinématographique, il pense qu’aujourd’hui le cinéma reste de haute définition; cependant ses références premières sont les arts plastiques contemporain: « La vidéo est un support hyper contemporain, mon travail de  peintre m’a amené sans hésitations; pour moi c’est merveil­leux de pouvoir créer des images, colorées et qui bougent, en plus c’est, à mon avis, l’image électronique qui supporte le mieux la musique électronique. » « En effet, la synthése d’images informatiques et la synthèse du son font partie de la même famille, » ajoute Scott Mac Leay, producteur délégué du film et compositeur de la musique. « Le son joue un rôle d’illustration sonore, ce n’est pas une musique qui rythme la choré­graphie, le but étant une vidéo qui a pour prétexte la danse. Ce scénario est sans dialogue, le son a donc la possibilité de rythmer à la fois l’action, le montage image et de remplacer le dialogue. Il donne au film une dimension plus universelle que le langage. »

            Cette production est la première réalisation du CMAP, en co-production avec la société AAA, le centre Georges Pompidou, la compagnie Jean-Marie Matos et la société Daikiri) elle allie les deux domaines de la vidéo de création et de la danse contemporaine cher à la programmation de l’Américain Center.

               Une réussite pour ce premier pas dans la production puisque Josette Einstein a déjà été achetée par Canal Plus, pour être diffusée à la rentrée prochaine.

  Catherine Derosier dans Cinéma hebdomadaire, quatre vingt six, M 1379, N°358.

 

Bibliographie

-1- Jean Le Rond d’Alembert, Traité de dynamique, éd. Jacques Gabay, 2000.

-2- Richard Williams, Techniques d’animation : Pour le dessin animé - 3D et le jeu vidéo, éd. Eyrolles, 2003.

-3- Walter Isaacson, Steve Jobs, éd. JC Lattès, coll. Essais et documents, 2011.

-4- Dominique Bluher, Le cinéma dans le cinéma : film(s) dans le film et mise en abyme, éd. ANRT, coll. Thèse à la carte, 1997.

-5- Claire d’Harcourt, Voyage dans un tableau de Diego Vélasquez, éd. Palette, 2008.

-6- Pascal Bancourt, Les Mille et Une Nuits et leur trésor de Sagesse, éd. Dangles, coll. Horizons ésotériques, 2007.

-7-Jacques Thuillier, Denis Lavalle, La galerie des Glaces : Chef-d'oeuvre retrouvé, éd. Gallimard, coll. Découvertes, 2007.

-8- Dominique Auzel, François Truffaut - Les mille et une nuits américaines, éd. Henri Veyrier, coll. Cinéma, 1990.

-9- Michael Ende, L’Histoire sans fin, éd. LGF, coll. Le livre de poche, 2008.

-10- Shakespeare, Hamlet, éd. J’ai lu, coll. Librio Théâtre, 2004.

-11- Raymond Queneau, Les Fleurs bleus, éd. Gallimard, coll. Folio, 1978.

-12- Georges Perec, Un Cabinet d’amateur, éd. Seuil, coll. Point, 2001.

-13- Guillaume Villemot, Vincent Vidal, La Chevauchée de la Vache qui Rit, éd. Hoëbeke, 1991.

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