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Ile

8 saisis d’écran de la vidéo-danse "Ile"

“Ile” - Auteur/réalisateur : Jean-Bernard Pouchous – Chorégraphie : Jean-Marc MATOS (Compagnie K.Danse).  - Musique: Guillaume Loizillon et Claude Micheli.  - Durée : 17 minutes - Production : Blizz’Art. K-Danse. Centre Georges Pompidou.  - © 1985 Comptoir des Arts pour Blizz’Art.

« Une place pour tes rêves, mais les rêves à leur place. » Robert Desnos.

 

Snonacs.

Résumé: Eukitetnys, notre héros, entraîne les "Snonacs" dans une aventure où deux dimensions suffisent à programmer les données géographiques du territoire ; une troisième est nécessaire pour simuler et comprendre la danse de ses habitants, La quatrième devient alors l’énergie pour se soustraire à la force de la pesanteur, celle qui n’a ni temps ni espace, voler.

Le Centre Georges Pompidou (1), Le "Yellow submarine des Beattles", comme nous l’appelions, ou CGP, était prévu pour porter sur sa façade, côté escalator et plazza, une grand panneau à diode pour diffuser des images fixes et en mouvement. L’idée était de rapprocher des diodes électroluminescentes Rouge-Vert-Bleu comme autant de pixel RVB d’un écran télé-géant. Hélas comme la diode bleue n’a été mise au point qu’en 1990 par le Dr. Shuji Nakamura, le projet a vite été abandonné. Un technicien a  retrouvé le prototype de cet écran de LED (light-emitting diode) dans les sous-sols du Centre d’art et de culture (CGP), c’était l’époque ou les artistes traînaient dans les couloirs, c’était bien avant "vigie pirate".  Jean-Bernard Pouchous a fait jouer l’engin dans la vidéo danse "Ile". L’écran débitait avec une rigueur toute électronique, des dates qui progressait dans la 4eme. dimension vers le fameux chiffre de "1984" (Nineteen Eighty-Four) roman de Georges Orwell (1903-1950) (2). C’était avant le chef d’œuvre cinématographique "Brazil" de Terry Gilliam (1940-…) qui sortit en 1985 (3). Nous étions à l’époque du "video-art", des premières palettes graphiques 2D et l’on pouvait créer sur ordinateur des animations 3 D en fil de fer virtuel. Dans les "studios Beaubourg", les techniciens fonctionnaires s’amusaient  avec moi à incruster  toute sorte de chose dans les fonds bleus du studio de prise de vue. Dans la vidéo analogique, nous incrustions également la 2D. et la 3D. numérique  et vis et versa créant des effets très spéciaux pour l’époque. Inutile de parler de l’ambiance polémique que provoquait alors la musique de synthèse et des créations sonores sur ordinateur de l’IRCAM (le sous-sol d’à côté) (4).

Si votre ân(m)e s’appelle MOUR, vous devrez souvent le stimuler : HU… MOUR, HU… MOUR, HU… MOUR…

Danse et chorégraphie, géométrie et mécanique ou physique et esthétique ? En sculpture, le canon est un ensemble de règles servant à déterminer les proportions idéales du corps humain. La théorie du canon du sculpteur grec Polyclète (V e. s. av. J.C.) (5) est l’une des bases de l’art statuaire du classicisme grec (6): il l’appliqua à ses représentations viriles comme le Diadumène et le Doryphore avec laquelle ce tailleur de marbre avait entrepris de démontrer, par une « statue dont toutes les parties seraient entre elles dans une proportion parfaite », quels sont les rapports de grandeur dans lesquels la nature a placé la perfection des formes humaines. Il atteignit si bien son but que la statue qu’il donna comme exemple et comme modèle fut considérée comme un chef d’œuvre incontestable. Dans cette œuvre, la tête entre au total sept fois dans le corps, deux fois entre les genoux et les pieds, deux fois dans la largeur des épaules et deux fois dans la hauteur du torse... Les canons synthétiques (les  Snonacs d’Eukitetnys. en vers l’en). 5 représentations de "Ile" de Jean-Marc Matos ont été données au Festival d’Avignon 1984 - Salle Benoit-XII - Le décor vidéo du spectacle était projeté sur un grand écran en fond de scène. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rabattement du petit côté utilisé dans Ile.

La basse définition RVB synchro de la vidéo de l’époque la rapprochait d’une forme picturale de l’art cinématographique et provoqua son cloisonnement dans le système institutionnel des arts plastiques. Moins immédiatement perceptibles, les liens entre la peinture et le cinéma sont plus obscurs que ceux qui unissent la photographie et le cinéma. Pourtant la généalogie de l'image filmique est multiple, comme en sont multiples les mutations : précédemment, à l'épreuve du théâtre, de la photographie, de la chorégraphie, de l'opéra comme forme artistique totale. Certains créatifs cherchent toujours aujourd’hui, à déconstruire l'origine picturale de l'image filmique.

Tout le monde connaît les films quasiment légendaire qui portent sur la vie et l'art des pein­tres comme celui de Clouzot sur Picasso, pris sur le vif, dans sa rapidité au travail, et ainsi documenté pour la caméra avec "Le mystère Picasso" (1956 et la seule évocation de la peinture ou de l'histoire de l'art dans une fiction fait penser à Jean-Paul Belmondo (1933-…), dans "Pierrot le fou" (1965) de Jean-Luc Godard (1930-…), lisant dans sa baignoire des passages d'Elie Faure (1873-1937)sur l'histoire de l'art. L’art est le plus souvent embarqué dans le décor cinématographique, soit c’est le tableau décoratif pendu au mur sur le plateau de tour­nage, comme signe objet d’art. Ce n'est alors qu'un objet parmi d'autres, signifiant de valeurs à établir. La caméra, par exemple, pointe alors ce tableau dans un panoramique pour signaler art de vivre ou statut social des personnages. On pourrait le désigner comme objet-peinture iconico-sémantique, présent certes, mais sans pragmatique et sans effet saillant.

L'entrelacs peinture et cinéma vise tout autant la présence du tableau dans le cadre filmique que l'effet pictural dans le régime de l'image filmique. Une mise en système des divers registres picturaux existe au sein du filmique au delà de la relation que le cinéma entretient avec l'histoire de l'art et avec l'histoire de l'esthétique. En effet, le cinéma puise sa force de sa double origine : a) celle de l'histoire des sciences et des techniques, à situer dans l'évolution de l'invention de la photographie vers celle de l'image-son en mouvement, et vers ce qui a donc fait du cinéma le plus grand des mass média contemporains ; b) une origine dans l'immense continuum de l'histoire de l'art, et de la réflexion proposée par l'esthétique. L'esthétique, de son côté, est elle-même double dans ses origines, celle de l'aesthesis, ou de la perception, et celle du système qui lui est afférent, soit du jugement de goût porté sur la perception artistique et esthétique. Le statut trouble de la représentation commence avec la polarité Platon/Aristote, dans la "République" et dans la "Poétique" se poursuit dans les avatars dont héritent les querelles Byzantines entre iconoclastes et iconodules, les querelles de la Renaissance entre les partisans de la Réforme et ceux de la Contre-Réforme, puis au siècle des Lumières dans les manifestations de Baumgarten (1714-1762) et Winckelmann (1717-1768) à Kant (1724-1804), avant de parvenir à l'esthétique de la modernité et de la postmodernité (7). Quand il est question d'image picturale, celle-ci peut être tantôt figure poétique, tantôt objet du récit, motif ou topos, objet dans le cadre ou raison d'être du cadrage, art ou philosophie de l'art. Dans ce parcours il est question de l'effet peinture inhérent au cinéma, "écrire avec la lumière" ou "peindre avec la lumière" (8), mais aussi bien du tableau pictural ou de l'effet peinture dans le cadre filmique.

Jean-Bernard Pouchous - 2007.

Bibliographie :

-1- Claude Mollard, L'enjeu du Centre Georges Pompidou, éd. Union générale d'édition, coll. Autres, 1976.

-2-  George Orwell, 1984, éd. Gallimard, coll. Folio, 1972.

-3- Terry Gilliam, Brazil, éd. Yellow Now, 2000.

-4- Célestin Dellège, Cinquante ans de modernité musicale : De Darmstadt à l’Ircam, éd. Mardaga, coll. Musique-Musicologie, 2003.

-7-Dominique Sipière, Alain J.-J. Cohen, éd. Presses universitaires de Rennes, coll. Le Spectaculaire, 2007

-8-Vittorio Storaro, Storaro: Writing With Light, éd. Electa, 2002.

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