



Croquis-p.n°001

Croquis 1
N°1-Croquis A5
« J’assiste à ma mort avec les forces entières de ma vie. » Marie François Pierre Gontier de Biran dit Maine de Biran (1766-1824), philosophe français, dans "Journal", 1815 (1).
N°1 - S’élever.
L’activité intellectuelle repose sur l’exercice de l’intelligence. L’intellectuel s’engage dans la sphère publique pour partager ses analyses, ses points de vue et défendre ses valeurs, il a selon son mode de communication, une forme d’autorité plus participative et idéologique que celle liée aux réflexions dans un cadre très conceptuel de l’ancien philosophe. Paul Charles Aymard Sartre plus connus sous son nom d’auteur Jean-Paul Sartre (1905-1980), dit qu’il est : « quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas » (2), pour Paul Nizan (1905-1940), ce sont de « nouveaux chiens de garde » (3) et pour Albert Camus (1913-1960), l’intellectuel « ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent » (4). Mais peut-on être intellectuel cérébral et artiste manuel ?
Légèreté, romantisme et joie de vivre sont perçus, dans le monde, comme une part essentielle de la culture française. Les sculpteurs Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) (5), Antoine-Louis Barye (1795-1875) (6), Jules Dalou (1838-1902) (7), François-Auguste-René Rodin (1840-1917) (8), ont-il été des intellectuels ? Non ! Des manuels ? peut-être! Des artistes ? Oui ! L’exercice de leur intelligence c’est développé dans leurs oeuvres et de maître à élève depuis la nuit des temps et dans le cadre de leurs divers ateliers. Aujourd’hui ce système de relations très intimes a été remplacé par l’institution d’écoles professionnelles privées ou publiques aux spécialités professionnalisantes ( ?). Quand dans ce nouveau cadre intellectuel, Jean-Bernard Pouchous se charge de cours de dessin pour un employeur pédagogique, il favorise le dessin avec les élèves et les dessine, comme le faisait ces illustres prédécesseurs qui ont tous eut des élèves. C’est une position difficile à tenir car tous les professeurs que ces élèves ont eut depuis la maternelle, non seulement ne dessinaient pas, mais surtout ne les avaient jamais dessinés. Sans enquête personnelle très poussée, tout artiste débutant apprend vite que presque aucun pédagogues ne s’étaient jamais fait tailler le portrait par un quelconque dessinateur, seuls l’album photos de famille et des fois quelques films ou vidéos amateurs leurs permettaient de se regarder à travers la subjectivité toute relative d’un autre. La vacuité triompherait-elle ? Pour eux le dessin est une abstraction qui n’a aucun sens en terme d’action (dessiner ou pauser ?), ce sont des humanités voir de l’académisme, du négatif.
Enfant et déjà artiste ? Le talent balloté entre inné et acquis est a jamais dénié. Aucun sens n’est recherché en terme de résultat puisque institutionnellement et médiatiquement tout et rien est art aujourd’hui et maintenant pour tous et personne en particulier et en général. Le travail intellectuel d’apprentissage d’autrefois à fait place à l’expression libre "cri primal libérateur", "éjaculat précoce", il est considéré comme un pensum passéiste et réactionnaire, une "masturbation cérébrale" (8) ?), un vide.
Comment s’élever ?
« L’important intérêt de la psychanalyse pour la science de l’éducation se fonde sur un énoncé qui est parvenu à l’évidence. Ne peut être un éducateur que celui qui peut sentir de l’intérieur la vie psychique infantile, et nous adultes ne comprenons pas les enfants parce que nous ne comprenons plus notre propre enfance. » Sigmund Freud, dans "Résultats, idées, problèmes" (8).
« La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’École, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle.» «Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience. Étudier d’abord ces règles et ces lois, en art, en sciences..., c’est placer la charrue devant les bœufs. » Célestin Freinet (1896-1966) dans "Invariants pédagogiques" (9).
De la pratique !
Le Triangle pédagogique (10) représente trois sommets: le savoir, l’enseignant et l’apprenant. Du point de vue scolaire on parle de "savoir, professeur et élève". Les côtés du triangle: Du côté savoir-professeur on retrouve l’enseignement, du côté professeur-élève on retrouve l’éducation et la formation, du côté élève-savoir on retrouve l’apprentissage. Ces trois côtés représentent un "processus" soit la relation entre deux pôles. D’un point de vue didactique et pédagogique: Le premier processus relève de l’élaboration didactique, le second de la relation pédagogique et le dernier des stratégies d’apprentissages.
La pédagogie et la didactique se doivent de réguler ces différents processus de manière à rendre l’apprentissage le plus efficace possible. Chaque processus du triangle est essentiel à l’apprentissage mais aucun ne doit être employé séparément des autres au risque de créer des dérives. Quand la pédagogie traditionnelle du côté du savoir privilégie la démarche didactique de l’enseignant en oubliant le système d’appropriation du savoir de l’élève, on parle de savoir réifié. Il y a dérive quand cette pédagogie oubli la fonction de transmission de savoir de l’école face à un "zoom" sur les interactions en classe et quand elle donne sa préférence au rapport au savoir des élèves et oubli du rôle de médiateur et d’étayage du maître. On parle de réification du savoir en pédagogie, de façon essentiellement péjorative, pour décrire l’habitude des enseignants et élèves de considérer les objets d’un apprentissage comme existant par eux-mêmes. Objets qui doivent être transmis, acquis, emmagasinés et restitués aussi fidèlement que possible lors des contrôles de connaissance.
L’histoire de l’art a pour objet l’étude des œuvres dans l’histoire, et du sens qu’elles peuvent prendre. Elle étudie les conditions de création des artistes, la reconnaissance du fait artistique par un public, ainsi que le contexte spirituel, culturel, anthropologique, économique et social de l’art. La pédagogie par contre, est un art en soi, c’est l’art d’éduquer. Le terme désigne les méthodes et pratiques d’enseignement et d’éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque. Cet art, n’est pas né en occident et n’est pas une chasse gardée réservée à tel ou telle doctrine, elle peut être multimillénaire, exotique ou actuelle tout à la fois comme le montre le philosophe et éducateur Jiddu Krishnamurti (1895-1986) (11) dans son "Education à la connaissance de soi" ou le médecin et pédagogue italienne Maria Montessori (1870-1952) (12) et la pédiatre et psychanalyste française Françoise Dolto (1908-1988) (13) dans leurs propositions pour des écoles libres non confessionnelles.
« Notre problème éducatif souffre en somme de ne viser unilatéralement que l’enfant qu’il faut élever et de négliger aussi unilatéralement le fait que les éducateurs adultes n’ont pas été eux-mêmes éduqués. Après avoir terminé le cycle de ses études, chacun a l’impression d’en avoir fini avec l’éducation, d’être, en un mot, un adulte. Il ne peut certes en être autrement ; il faut qu’il soit fermement persuadé de sa compétence pour pouvoir affronter la lutte pour l’existence. Le doute et le sentiment d’incertitude le paralyseraient et l’entraveraient, ils enfouiraient la foi si nécessaire en sa propre autorité et le rendraient inapte à l’exercice de sa profession. On veut l’entendre dire qu’il connaît son affaire et qu’il en est sûr, et non qu’il doute de lui-même et de sa compétence. Le spécialiste est condamné de façon absolue à la compétence. Personne ne peut développer la « personnalité » qui n’en a pas lui-même. Et ce n’est pas l’enfant, c’est uniquement l’adulte qui peut atteindre à la personnalité comme fruit mûr d’une activité de vie orientée vers ce but. Car dans l’accès à la personnalité, il n’y a rien moins que le déploiement le meilleur possible de la totalité d’un être unique et particulier. On ne saurait prévoir le nombre infini de conditions qu’il faut remplir pour cela. Toute une vie humaine avec ses aspects biologique, social et psychique y est nécessaire. La personnalité, c’est la suprême réalisation des caractéristiques innées de l’être vivant particulier. La personnalité, c’est l’action du plus grand courage de vivre, de l’affirmation absolue de l’existant individuel et de l’adaptation la plus parfaite au donné universel avec la plus grande liberté possible de décision personnelle. Elever quelqu’un en vue de cela me semble n’être pas une petite affaire. C’est sans doute la tâche la plus haute que se soit donnée le monde moderne de l’esprit. » Carl Gustave Jung dans "Psychologie et Education" (14).
Jean-Bernard Pouchous - 2009.
Bibliographie :
N°1-1- Ernest Naville, Introduction Générale aux Oeuvres Inédites de Maine de Biran, éd. Biblio Bazaar, 2009.
N°1-2- Jean-Paul Sartre, L’Etre et le Néant, éd. Gallimard, coll. Folio, 1996.
N°1-3- Paul Nizan, Les Chiens de garde, éd. Agone, coll. Contre-Feux, 1998.
N°1-4- Albert Camus, L’étranger, éd. Gallimard, coll. Folio, 1971.
N°1-5- Claude Jeancolas, Carpeaux peintre et sculpteur, éd. Edita, Genève, 1987.
N°1-6- Anne Manoni, Antoine-Louis Barye, éd. L’Amateur, 1997.
N°1-7- Pierre Cadet, L’édition des œuvres de Dalou par la Maison Susse, éd. La Gazette des Beaux-Arts, tome 126, février 1994.
N°1-8- Gilles Neret, Auguste Rodin, Albums, éd; Taschen GmbH, 1996.
N°1-9- Sigmund Freud, Résultats, idées, problèmes, PUF, 1998.
N°1-10- Célectin, Invariants pédagogiques, éd. de l'École moderne française Imprimerie C.E.L., 1954.
N°1-11- Jean Houssaye, Le Triangle pédagogique - théorie et pratiques de l’éducation scolaire, éd. Lang Peter Verlag, 1993.
N°1-12- Jiddu Krishnamurti, Réponses sur l’éducation, éd. Pocket, coll. Spiritualité, 2008.
N°1-13- Maria Montessori, Les étapes de l’éducation, éd. Desclée de Brouwer, 2008.
N°1-14- Fabienne d’Ortoli, Michel Amram, L’école avec Françoise Dolto, éd. LGF, coll. Livre de Poche, 1992.
N°1-15- Carl Gustav Jung, Psychologie et Education, éd. Buchet Chastel, Paris 1963.