

81 x 60 cm., A/T, 2022.

81 x 60 cm., A/T, 2022.
"Stefan BEIU", acrylique sur toile, 81 x 60 cm., 2022.
« Dans la mesure où on laisse aller les choses au hasard, on peut prévoir qu’un système clos caractérisé par quelque ordre initial évoluera vers le désordre, qui offre tellement plus de possibilités. » Ilya Prigogine (1917/2033) (1).
Eponyme.
La peinture intitulée "Stefan Beiu" est un portrait de profil du peintre Stefan Beiu. En bas du tableau, une tête couchée toute dorée et en flamme se détache sur des abstractions cubistes, tandis qu’en haut à droite se découpe sur un ciel bleu un reliquaire portatif de procession religieuse orthodoxe.
Après avoir exposé plusieurs année au Salon d’automne Jean-Bernard Pouchous ouvre en 2009 un groupe au Salon d’Automne intitulé "Figures et essais" auquel participaient de nombreux artistes engagés dans leur production par un point de vue narratif critique personnel avec une imagerie se voulant façonnée d’une grande érudition picturale.
Chaque année dans le catalogue du Salon d’automne, il écrivait un petit texte distancié pour la propagande de "Figures et essais" comme par exemple : Artistes engagés aussi sensibles qu'intelligibles, ouvrez la porte 2015 (bleu phtalocyanine) de "Figures et essais". Ne trichez plus, ce soir de rêve l'ancêtre souffle à l'oreille du moderne artiste contemporain : « Mes amis m'ont enfin avoué leur mépris ! » Faiseurs artisans ne mentez plus, car cette voix aux yeux crevés s'entend toujours dire : « Tu seras aimé le jour où tu pourras montrer tes faiblesses sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force. » Serait-ce celle de Cesare Pavese ?
Camarades, frères ne tirez pas ! (Blanc monochrome)
Un bipolaire égocentrique referme Incognito la porte 5102 (rouge crimson) des essais et figures des autres sur « La musica mi prende come l'amore » que chante Coriolan en essayant de dessiner sur une photo de cheval blanc une corne de narval. Un aède se précipite alors monté sur une vraie licorne pour représenter en perspective, ombres portées et anatomie la carapace de tortue de la Phorminx. Le mot photo-réaliste "NATURE" écrit d'une police sauvage est collage contre le tag/graph domestique que sont devenus les mots sans ambition "CULTURE" et "ART".
Cet Automne, l'archonte Thémistocle contestataire s'emparera consciemment de cette espèce de readymade en trompe l'œil kitch qu'est l'Imaginaire et le rendra à l'antique chaman antisocial. L'excellence et le talent de celui qui ose tout sourire, se doit d'abolir cette dette insupportable que nous avons tous depuis le coup de la sigue : « Socrate nous vous avons tué ! »
L'art est la preuve que la vie ne suffit pas.
En 2014, le groupe s’enrichi de nouveaux exposants dont Stefan Beiu (1966/…) et son ami Victor Kruvesan (1966/…), tous deux artistes d’origine Moldave, qui ont étudié à l’Académie des Beaux-Arts Vassilii Surikov de Moscou du temps où la Moldavie (République socialiste des conseils moldave ou RSSM - 1940/1990) faisait partie de L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS - 1922/1991) ; dont la Transnistrie moldave voisine, état autoproclamée, est resté très nostalgique.
En 2020, Stefan BEIU a pris la relève du groupe "Figures et essais" au sein du Salon d’Automne.
Le portrait de profil du peintre Stefan BEIU est inspiré d’une photo populaire sur les réseaux sociaux.
La tête dorée toute en flamme couchée en bas de ce portrait est inspirée d’un bronze poli (16 x 27,3 x 18,5 cm.), de Constantin Brancusi (1876/1957), intitulée La Muse endormie (1910), conservé au Musée National d’Art du Centre Georges Pompidou, Paris. Ce serait la tête fortement stylisé de la baronne Renée Irana Frachon qui posait pour lui à Paris entre 1908 à 1910.
Le thème de la femme abandonnée, au repos ou endormie, se développe vers 1890 dans le courant symboliste, comme avec Odilon Redon (1840/1916) avec une de ces œuvres célèbres intitulée Les Yeux clos (1890), une huile sur carton (44 x 36 cm.) conservée au Musée d’Orsay, Paris. Cette œuvre éditée et diffusée à l’époque par la lithographie, montre le triomphe de l’imaginaire sur la réalité. C’était un temps où le féminin incarnait le repli vers le monde intérieur, et le masculin l’ouverture sur le monde extérieur. La femme devenait symboliquement synonyme d’intériorisation.
Cette sculpture aux yeux clos prend feu comme un métal en fusion parce que sa présence dans ce portrait est une allusion au fait que certaines peintures de Stefan Beiu donne l’impression de s’enflammer par endroit.
Constantin Brancusi était aussi originaire de l’est européen danubien. De cette Principauté de Roumanie (1866/1881), ex Principauté unie de Roumanie (1862/1866), ex Principautés unies de Moldavie et de Valachie (1859/1862), aujourd’hui Roumanie. Il étudie à l’Université nationale des arts de Bucarest et voulant compléter sa formation, en 1903, il part à pied vers l’ouest. Le jeune artiste traverse l’Europe centrale travaillant à Vienne puis Munich et arrive à Paris en 1905 où il s’inscrit à l'Ecole natuonale supérieure des Beaux-Arts. Naturalisé français en 1907, il quitte l'atelier d'Auguste Rodin (1840/1917) un mois seulement après y être entré, en expliquant d’une phrase devenue célèbre : « Il ne pousse rien à l’ombre des grands arbres ».
Cette muse endormie s’appui sur une autre représentation d’œuvre d’art, il s’agit de Guitare (1912) un collage cubiste (huile, carton et fil de fer), de Pablo Picasso (1881/1973) conservée au Musée d’art moderne (MoMA) de New-York, dont on reconnait deux morceaux à droite et à gauche de la tête en bronze doré. Avec Brancusi. L’art moderne européen (2) est bien là, mais Picasso bouscule encore plus les codes de la sculpture, en utilisant des techniques et matériaux nouveaux (dit pauvres) à la sculpture traditionnelle, il réalise ici une construction, un objet, qui s’accroche au mur tel un masque ou un bas relief, brouillant ainsi les repères habituels, et se plaçant délibérément à la croisée des chemins entre peinture et sculpture. Le célèbre "cubisteur" (3) détourne des objets réels pour en faire des constructions, qui évoquent d’autres objets; la nature morte est ainsi transformée en signes plastiques.
En haut à droite du tableau se découpe sur un ciel bleu un reliquaire portatif de procession religieuse orthodoxe. Cette image est peinte d’après l’œuvre intitulée Procession religieuse dans la province de Koursk («Крестный ход в Курской губернии») (1880/83), une peinture à l’huile (175 x 280 cm.) de Ilia Répine (1844/1930), conservée à la Galerie Tretiakov de Moscou. Répine passe trois ans sur la toile qu’il appelle d'abord L'Icône miraculeuse. Cette œuvre réaliste magistrale représente une procession orthodoxe ou une foule défile solennellement, tout en priant, chantant et en accomplissant des actes de dévotions à Krousk ville de l’ouest de la Russie près de la frontière ukrainienne. Une peinture d'ensemble de la vie du peuple dans les années 1880. Au premier plan à droite du tableau des hommes portent sur leurs épaules un reliquaire enrubanné de banderoles, de tresses et de couronnes de fleurs multicolores. L’objet a la forme d’une synagogue avec un toit doré dont les grandes fenêtres latérales laissent percevoir un éclairage intérieur de cierges.
Cette construction, peut-être, renferme une icône sacrée comme celle de Bogolioubovo de la Mère de Dieu (1155) conservée au Musée de Vladimir-Souzdal du monastère de Knyaginine de Vladimir ; ou celle du plus célèbre des peintres iconographes de tout les temps Andreï Roublev (1360-70/1427-30) dont Le Sauveur en Christ Pantocrator (1410), conservé à la Galerie Tretiakov de Moscou est surnaturel. Il faut voir à ce sujet Andreï Roublev (1969), un long métrage (3h.25mn.), d’Andreï Tarkovski (1932/1986)…
Philocalie. C’est l’amour de ce qui est beau, car au sens originel grec, le beau se confond avec le vrai et le bon. La spiritualité orthodoxe est réunie dans la Philocalie, une anthologie de textes visant à élever l’âme des chrétiens (4).
La Querelle des Anciens et des Modernes.
L’art des « modernes » de Brancusi (5) et Picasso (6) se caractérise par une rupture avec les canons de la figuration de l'art classique, des « Anciens » qui était une esthétique française du XVIIe./XVIIIe. siècle, fondée sur une recherche de la perfection, avec comme maître mot : « la raison », dont Répine (7) en a importé le réalisme à l’extrême. Les « Anciens » de la Querelle ont donc beaucoup à nous apprendre, même si les « Modernes » ont aujourd'hui l'illusion rétrospective d'avoir eu aisément le dessus et de pouvoir tranquillement écrire l'histoire en vainqueurs (8).
Middleuropa.
Le moldave et le roumain sont proche mais reste divinement slave, un mot qui a du sens quand il est orthodoxe moldave ou de Bessarabie. Cinq notions nous font connaître les personnes divines en ce qu'elles ont de propre. Ce sont l’innascibilité, la paternité, la spiration active, la filiation et la procession. L’innascibilité nous fait connaître le Père comme Principe sans principe ; la paternité, comme principe du Fils ; la spiration active, comme principe de l'Esprit Saint. Pour les catholiques, le Saint-Esprit est « spiré » par le Père et le Fils. Il procède donc de la spiration des deux personnes comme d'un seul principe, alors que pour les orthodoxes, ce seul principe, c'est la personne du Père.
« Abba ! »
Jean-Bernard Pouchous - 2022
Bibliographie :
-1- Ilya Prigogine, Les lois du chaos, éd. Flammarion, 2008.
-2- Joseph-Émile Muller, Frank Elgar, La peinture moderne, éd. Fernand Hazan, 1979
-3- Françoise Cachin, Picasso, 1900/1917, Flammarion, 1977.
-4- Placide Deseille, Spiritualité orthodoxe et Philocalie, éd. Albin Michel, 2003.
-5- Pontus Hulten, Brancusi, éd. Flammarion,1992.
-6- John Finlay, trad. Valérie Feugeas, Anne-Marie Terel, Le Monde de Picasso, Larousse, 2015.
-7- Grigori Sternine, Elena Kirillina, Ilya Repin, éd. Parkstone International, 2018.
-8- Marc Fumaroli, La Querelle des Anciens et des Modernes, éd. Folio, 2001.