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40 F. - N° 1

N°1-"Jung divka", 2013, acrylique sur toile, 100 x 81 cm.

«Si un savant comme lui, un philosophe, un penseur accepte les conditionnements et les limites d'un rituel qui, à nos yeux au moins, peut paraître vaguement ridicule, cela veut dire qu'il sait voir plus profondément et qu'il a vraiment laissé derrière lui toutes ces choses qui passent en général pour un comportement convenable. » Extrait de lettre de Fellini à Simenon  concernant Karl Gustav Jung (1).

 

N°1- Glaukopis. 

Cette peinture possède un intitulé fait du mélange de "pretty young girl", nom anglais, traduisible en tchèque par "krana mlada divka", soit "belle jeune fille" en français et young (jeune) pour Jung du nom du psychiatre, psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961), ce qui donne "krana jung divka", simplifié en "jung divka". Nous sommes à la tombé de la nuit, notre "glaukopis"  assise nue sur ses talons, les fesses dans l’eau, ouvre deux grands yeux, elle nous regarde attentivement tout en retenant son souffle, légèrement sur la défensive comme un animal découvert à l’improviste. 

Selon C. G. Jung l'anima (du latin anima "souffle, âme", d’où vient le terme animal) est, dans la psychologie analytique du psychiatre suisse Carl Gustav Jung, la représentation féminine au sein de l'imaginaire de l'homme. Il s’agit d’un archétype,  donc d'une formation de l’inconscient collectif, qui a son pendant chez la femme sous le nom d'animus. Cet archétype se manifeste tout au long de la vie, projeté inconsciemment, d'abord sur le parent du sexe opposé, puis sur les personnes rencontrées auxquelles sont alors prêtées les caractéristiques de cette image.

« L'anima est féminine ; elle est uniquement une formation de la psyché masculine et elle est une figure qui compense le conscient masculin. Chez la femme, à l'inverse, l'élément de compensation revêt un caractère masculin, et c'est pourquoi je l'ai appelé l'animus. Si, déjà, décrire ce qu'il faut entendre par anima ne constitue pas précisément une tâche aisée, il est certain que les difficultés augmentent quand il s'agit de décrire la psychologie de l'animus. Le fait qu'un homme attribue naïvement à son Moi les réactions de son anima, sans même être effleuré par l'idée qu'il est impossible pour quiconque de s'identifier valablement à un complexe autonome, ce fait qui est un malentendu se retrouve dans la psychologie féminine dans une mesure, si faire se peut, plus grande encore. Pour décrire en bref ce qui fait la différence entre l'homme et la femme à ce point de vue, donc ce qui caractérise l'animus en face de l'anima, disons : alors que l'anima est la source d'humeurs et de caprices, l'animus, lui, est la source d'opinions ; et de même que les sautes d'humeur de l'homme procèdent d'arrière-plans obscurs, les opinions acerbes et magistrales de la femme reposent tout autant sur des préjugés inconscients et des a priori. » C.G. Jung (2).

« L'anima exprime en quelque sorte le désir. Elle représente certains désirs, certaines attentes. C'est pourquoi on la projette sur la personne d'une femme, à laquelle se voient attribuées certaines attentes, des attentes unilatérales, tout un système d'attentes. » (3). 

En arrière plan de notre "Jung divka" nous appercevons la Tour de C.G. Jung à Bollingen sur les bords du lac de Zurich en Suisse.

« Dès le début, j'eus la certitude qu'il fallait bâtir au bord de l'eau. Le charme particulier de la rive du lac supérieur de Zurich m'avait fasciné depuis toujours et c'est pourquoi, en 1922, j'achetai un terrain à Bollingen. »

« Dès le début, la tour fut pour moi, un lieu de maturation, un sein maternel ou une forme maternelle dans laquelle je pouvais être à nouveau comme je suis, comme j'étais, et comme je serai. La tour me donnait l'impression que je renaissais dans la pierre. Je voyais en elle une réalisation de ce qui n'était que soupçonné auparavant, une représentation de l'individuation. »« Par moments, je suis comme répandu dans le paysage et dans les choses et je vis moi-même dans chaque arbre, dans le clapotis des vagues, dans les nuages, dans les animaux qui vont et viennent et dans les objets. » (3). 

La Tour de Bollingen est un bâtiment construit par le psychiatre suisse C. J. Jung, ayant l'apparence d'un petit château garni de plusieurs tours, situé à Bollingen sur la rive septentrionale du haut-lac (Obersee) de Zurich dans le canton de Saint-Gall en Suisse. Jung fait l'acquisition du domaine en 1922, après la mort de sa mère. Il construit d'abord une habitation en pierre qu'il développe par la suite pour en faire sa « Turm » (tour). Sur une période de douze ans il ajoutera à la structure centrale trois bâtiments latéraux qui sont supposés rappeler la représentation de la psyché selon sa conception. 

                A l'occasion de son soixante quinzième anniversaire, Jung installe au bord du lac, du côté ouest de la tour, un petit monument de forme cubique en pierre de taille, sur trois faces duquel il grave des inscriptions. On peut lire sur la première face une citation du rosaire des philosophes (Rosarium philosophorum) : « Hic lapis exilis extat, pretio quoque vilis, spernitur a stultis, amatur plus ab edoctis », dont on peut donner comme traduction : « Cette pierre est d'humble apparence et bon marché ; elle est méprisée par les sots et n'en est qu'aimée davantage par ceux qui savent. » et la dédicace : IN MEMORIAM NAT[ivitati]S DIEI LXXV C G JUNG EX GRAT[itudine] FEC[it] ET POS[uit] A[nn]O MCML, que l’on peut traduire par : En souvenir de son soixante-quinzième anniversaire C.G. Jung, en signe de reconnaissance, a façonné et déposé [cette pierre] l'année 1950. 

Sur la seconde face, Jung est figuré sous les traits de Télésphore, un nain ou un homoncule portant une lanterne et vêtu d'une pèlerine à capuchon, entouré d'une inscription en grec.

« L'œuf est un germe de vie, investi d'une haute signification symbolique : c'est un symbole non seulement cosmogonique, mais aussi « philosophique » ; d'une part, l'œuf orphique, le commencement du monde, et d'autre part l'ovum philosophicum de la philosophie médiévale de la nature, c'est-à-dire le vase duquel, au terme de l'opus alchymicum, sort l'homunculus, autrement dit l'Anthropos, l'homme spirituel, intérieur et complet, le chên-yen (littéralement : l'homme complet) de l'alchimie chinoise ». C.G. Jung (5) 

C’est bientôt la nuit sans lune, il pleut averse, un violent orage assombrit le lac de Zurich, la foudre s’est abattu sur un  avion léger monomoteur, monoplan à aile basse et à train tricycle qui survole la Tour à Bollingen. Nul ne peut ignorer que quand un avion est frappé par l’éclair, il constitue une cage de Faraday qui isole ses occupants. Le courant suit donc l'extérieur de la carlingue et continue vers le sol ou un autre nuage. Cette explication n’a pas beaucoup d’importance car le pilote de l’avion n’est autre que Zeus Terpichéraunos en personne, celui qui aime manier la foudre, Zeus Néphélégèrétès celui sui accumule les nuages, Zeus Maïmaktès celui qui souffle la tempête, nous rappelant que tout poète tel Hésiode au VIIIe siècle avant notre ère, nous répéte inlassablement que le bien-être de l’humanité dépend de ses divines volontés, de ses caprices ou de ses colères : « L’œil de Zeus voit tout, connaît tout ». Ce domaine inaccessible aux hommes va paradoxalement le rapprocher d’eux. Maître d’en haut, ce dieu commande à toute la machinerie atmosphérique. Il est le maître du temps météorologique : orages, tonnerres, pluies, neige, grêles, foudre, bourrasques, trombes, nébulosités… mais aussi les canicules et les sécheresses. Le dieu peut se montrer dans « son mauvais jour » 

Au premier plan de la peinture, en bas à droite, est figuré la Chevêche d'Athéna ou Chouette chevêche, malgré son nom latin (Athene noctua) cette chouette de petite taille à l'aspect trapu  est la plus diurne des strigidés. La chouette est le symbole de la sagesse dans le monde antique. Elle est liée à la déesse grecque Athéna, déesse des Arts et de la sagesse, de la guerre défensive et de l'activité intelligente, à laquelle Homère attache déjà l'épithète de glaukopis ("aux-yeux-de-chouette"), peut-être pour sa perspicacité dans les ténèbres ou son solide estomac. En effet on aperçoit bien réels à ses pattes des pelotes de réjection ou boulettes de régurgitation qui contiennent les éléments durs et non digérés des proies qu'elles avalent en entier, comme les poils, les os, les coquilles… montrant ainsi son vorace appétit de prédateur. 

Toujours au premier plan de la peinture, en bas mais à gauche, est représenté un clap électronique. C’est un outil utilisé lors du tournage d'un film, pour assurer la synchronisation du son et de l'image. Le clap est présenté un court instant devant la caméra au début de chaque prise, à la fois pour identifier les plans, et pour produire un bruit sec permettant d'assurer cette synchronisation.

« Moteur ! », « Ça tourne », « Clap de début »…

« Séquence 1, Plan 1 de l’avion foudroyé sur Bollingen, première prise… Action ! »… 

Malgré qu’une peinture soit une image fixe et non une image en mouvement, ce clap représente la fin d’une action, la fin de la représentation d’un plan d’inspiration cinématographique en y indiquant l’heure, minute et seconde de fin de réalisation (13 - 38 - 43.98), la date (11 - 01 - 2013) et la signature du director (réalisateur en français) (Pouchous).

« Couper ! » « Clap de fin ! » 

Jean-Bernard Pouchous - 2013.

N°1-Bibliographie :

N°1-1- Carissimo Simenon, Mon cher Fellini, éd. Cahiers du cinéma, 2003.

N°1-2- C.G. Jung, Dialectique du moi et de l'inconscient, éd.  Gallimard, coll. Idées, 1973.

N°1-3- C.G. Jung, Sur l’interprétation des rêves, éd. Albin Michel, 1998.

N°1-4- C.G. Jung, Ma vie, éd. Gallimard, coll. Folio, 1991.

N°1-5- C.G. Jung, L'Ame et le Soi, éd. Albin Michel, 1990.

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