
Composition - N°4 - 3 - 2
N°4-"La Belle et la Bête", 1994, acrylique sur toile, 160 x 195 cm.
« L’arbre devient solide sous le vent. » Sénèque (1).
N°4 - Un conte qui compte.
« Certain philosophe conçoive le postmodernisme en tant que "incrédulité à l’égard des métarécits". Celle-ci est sans doute un effet du progrès des sciences, mais ce progrès à son tour, la suppose. A la désuétude du dispositif métanarratif de légitimation correspond notamment la crise de la philosophie métaphysique, et celle de l’institution universitaire qui dépendait d’elle. La fonction narrative perd ses foncteurs, le grand héros, les grands périls, les grands périples et le grand but. Elle se disperse en nuages d’éléments langagiers narratifs, mais aussi dénotatifs, prescriptifs, descriptifs etc., chacun véhiculant avec soi des valences pragmatiques "sui generis" » Jean-François Lyotard (1924-1998) (2).
Jean-Bernard Pouchous est un grand amateur de l’histoire de "La Belle et la Bête", comme le montre cette grande peinture qu'il a intitulée de cette façon. La version la plus connue de ce conte est celle extraite de "Magasin des enfants" de 1757, écrit par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711-1780), née Vaimboult (3).
Le film "La Belle et la Bête", réalisé par Jean Cocteau (1889-1963) est sorti sur écran en 1946, il était adapté de ce conte et reste à jamais un chef d’œuvre du septième art (4).
Amour, Eros, Cupidon, désir, sexe ou "pulsion de vie" entretiennent une relation ambiguë avec Psyché, âme, esprit ou l’intégralité des manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité et de l’intellect humain.
Une des versions la plus ancienne de "La Belle et la Bête" est celle du poète berbère Apulée (v. 125-170), "Amour et Psyché", extrait de l’Âne d’Or (5).
Résumé : « Psyché, cadette d’une famille de trois jeunes filles, est réputée pour son exceptionnelle beauté qui rivalise avec celle de Vénus, d’ailleurs fort jalouse, car le peuple la délaisse pour une simple mortelle. Pour fomenter sa vengeance, la déesse fait appel à son fils ailé Amour et lui demande de faire en sorte que Psyché s’enflamme du dernier des hommes, condamné par le sort à n’avoir ni position sociale, ni argent, ni sécurité. La beauté de Psyché, loin d’être un atout, devient vite un poids. Tandis que ses sœurs sont mariées à deux rois, elle est condamnée au célibat et regardée par les hommes comme une simple statue. Son père, inquiet, consulte l’oracle d’Apollon qui lui répond d’exposer sa fille adorée sur un rocher afin qu’elle épouse un affreux dragon cruel et sanguinaire que les Dieux même redoutent. En réalité, Zéphyr la conduira chez Amour, mais celui-ci ne pourra jamais montrer son visage. Heureuse, la belle Psyché coule des jours tranquilles, jusqu’à ce qu’elle invite ses sœurs qu’elle pare de bijoux. Ces dernières deviennent maladivement jalouses et souhaitent alors lui nuire. Elles inventent donc un terrible mensonge, disant à leur sœur cadette que son compagnon se cache sous les traits d’un horrible serpent qui la dévorera, une fois que l’enfant qu’elle porte, sera né. Psyché, tremblante et pâle finit par avouer son secret à ses méchantes sœurs, en leur répondant qu’en effet, elle n’a jamais vu le visage de son conjoint qui refuse de le montrer. Influencée par ces discours perfides, Psyché décide de tuer son amant. Au moment d’accomplir cet acte criminel, elle s’aperçoit, grâce à la lampe à huile encore allumée, que cet être n’est autre qu’Amour. Ce dernier, réveillé par une goutte d’huile sur sa peau, se rend compte que Psyché l’a trahi en ayant découvert son identité. Pour la punir, il s’enfuit. Parallèlement, Vénus apprend que son fils lui a désobéi et qu’il s’est épris de Psyché, sa rivale. Elle en est donc furieuse et le réprimande violemment. Quelque temps après, Psyché va prier Cérès et Junon de l’aider à retrouver son amant enfui, mais les deux déesses refusent de lui apporter leur soutien, ne désirant pas trahir Vénus. La belle jeune femme, désespérée, décide de se livrer à la déesse de l’Amour. Celle-ci lui fait passer trois épreuves dont elle sort victorieuse, grâce à l’aide d’éléments extérieurs. Amour, guéri de sa blessure, se porte à son secours cependant lors de la dernière épreuve, lorsque Psyché, toujours trop curieuse, ouvre la boîte interdite qui l’endort dans le séjour des morts. Suite aux prières insistantes de son fils Amour, Jupiter marie les deux jeunes gens éperdus et convainc Vénus de se joindre à la fête. A l’issue des neuf mois de grossesse, Psyché accouche d’une fille, prénommée Volupté. »
Dans la peinture "La Belle et la Bête", la Bête nous saute au yeux. Elle a une tête de Bonobo furieux, en rage, semblant crier contre la Belle. En fait, il joue du luth. Les doigts de sa main droite pincent délicatement les cordes tandis que l’autre main pause avec doigté un nouvel accord. Peut-être interprète-t-il une composition de René Mézangeau (1568-1638) car en France au XVII e. siècle le luth était par excellence l’instrument noble et raffiné, joué même par le roi Louis XIII (1601-1643). Cette indication nous laisse prévoir une certaine maîtrise de soi malgré la violence exprimée par les effrayantes déformations de son visage. La Bête retient d’un bras, une cape rouge et est vêtue d’une chemise de couleur paille largement ouverte sur un poitrail velu. Peut-être chante-il ? Ou déclame-t-il brutalement sa passion amoureuse à la Belle ?
Plus petit que le Chimpanzé, avec un faciès foncé, le Bonobo est très connu pour ses comportements sexuels en société appelés "sexe convivial". Les conflits dans le groupe trouvent souvent leur résolution par des relations sexuelles, feintes ou réelles. Il est courant qu'un membre du groupe pratique des actes sexuels dans le but de plaire à un autre membre ou pour réduire les tensions. La fréquence des rapports est exceptionnelle et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu'une quinzaine de secondes. Leur seul tabou sexuel serait l'inceste, bien que les relations sexuelles incluent également les juvéniles. Les observateurs, ont même découvert une pratique sexuelle absente du répertoire humain, l' "escrime au pénis". Le Bonobo serait l'un des seuls à pratiquer, comme l'homme, le coït ventro-ventral (face à face).
« La rareté du fait donne du prix à la chose. » La Fontaine.
La Belle est nue, assise sur ses talons. Elle nous regarde, indifférente, coiffé d’un charmant chapeau de feutre noir bordé de dentelles blanches et retenu par un ruban de soie noire passant sous le menton. Ce genre de coiffure était une variation du "hennin" à la mode à la Cour de Bourgogne au XV e. siècle.
Le visage de la Belle est inspiré d’un portrait de jeune fille du peintre primitif flamand Petrus Christus (1415-1475). Ce petit portrait (huile sur panneau - 29 x 23cm.) de 1470, s'inscrit dans la lignée des portraits réalisés par Robert Campin (1378-1444) et Rogier van der Weyden (1400-1464), il est exposé au Gemäldegalerie de Berlin. La jeune fille représentée par Petrus Christus n'est pas passive ; elle regarde directement le spectateur d'une manière interrogative, bien qu'elle semble se tenir quelque peu en retrait. L'expression légèrement sournoise bien que réservée est accentuée par le fait que ses yeux ne sont pas tout à fait alignés.
Devant la Belle, sont disposés deux casses têtes océaniens. Celui de gauche est une massue de parade gravée et rehaussée de chaux d’art Massim de Nouvelle-Guinée orientale, l’autre une massue courte "patu" en os de cachalot d’art Maorie de Nouvelle-Zélande.
Entre les deux armes est posée une figurine "temes nevinbür" de Sud Malekula en Nouvelles-Hébrides. Elle est faite de terre modelée autour d’un axe et peinte de rouge et de noir. Deux petits yeux circulaires et un long nez pointu saillant entouré de chaque côté d’une dent de cochon sauvage, la caractérise.
Au sud de l’île de Malekula, aux Nouvelles-Hébrides, un mythe raconte comment l’ogresse "Nevinbumbaau" « attrapait ses victimes en les faisant choir au fond d’une fosse dont l’ouverture était soigneusement cachée. Le dieu Ambat et ses quatre frères aux noms similaires à ceux des cinq doigts de la main, se firent prendre ainsi l’un après l’autre, mais Ambat s’enfuit avec eux en suivant une racine de banian aboutissant au village de Iumoran, sur l’île Tomman. Ambat est le dieu civilisateur de la région sud-ouest de Malekula.
"Nevinbumbaau" apparaît comme la patronne d’une autre institution, dite du "nevinbür", consistant à présenter, derrière une barrière haute, des figurines faites d’une tête modelée fixée sur un bâton ou un morceau de bambou ; parfois des bras sont adjoint à la tête. Ces marionnettes sont considérées comme les enfants de trois mannequins "rambaramb" placés assis devant la barrière et protégés par un toit. Ce sont les représentations de Mansip et de ses deux femmes, dont Nevinbumbaau est la mère.
Le spectacle, en trois tableaux, est donné au bénéfice des femmes, des enfants et des non-initiés. Pour la première scène, quatre initiés dansent à l’intérieur de l’enclos, près de la barrière, chacun tenant dans une main un "temes nevinbür", une des figurines, dont la tête semble alors danser au dessus de la barrière. Un vieillard sort de l’enclos, un assommoir à la main, et, parvenu devant la barrière, il écrase l’une après l’autre les têtes d’un coup de maillet.
Après ce premier rite, les initiés se mettent à la fabrication de centaines de nouvelles figurines, travail qui peut s’étaler sur une année entière.
Une nouvelle danse alors a lieu, les initiés portant de nouveaux "temes nevinbür" ; les danseurs frappent du pied des planches posées sur une fosse, provoquant un bruit sourd qui est la voie des "temes". Après cette danse, nouvelle scène dont les acteurs sont deux marionnettes munies de bras, appelées l’une Awus Nambangk et l’autre Ambwir Mbuas. On leur présente par-devant la barrière un gâteau de taro qu’ils prennent et portent à leur bouche.
Un vieil homme sort alors de l’enclos et vient chercher querelle à Mansip. Grâce à des tuyaux de bambou enterrés, on fait répondre ce dernier en parlant de l’intérieur de l’enclos, cela en la langue du districk de Wilemb, sis au Nord de celui de Senniang où se déroulent ces rites. Après un bref échange de répliques, le vieux transperce de sa lance Mansip et ses deux femmes ; au même instant, on verse une infusion végétale rouge, de derrière la barrière, afin de simuler le sang des victimes et des cris déchirants sortent des bambous. En conclusion, on mettra le feu à la barrière et aux trois mannequins. » Jean Guiart (6).
Le sol sur lequel est assise la Belle est couvert d’une moquette verte olive incrustée de gauche à droite, d’une suite de numéro huit vert printemps.
Le huit quand il se couche signifie l’infini et quand on le multiplie par les 9 nombres chronologiquement… :
1 X8+1=9
12 X8+2=98
123 X8+3=987
1234 X8+4=9876
12345 X8+5=98765
123456 X8+6=987654
1234567 X8+7=9876543
12345678 X8+8=98765432
123456789 X8+9=987654321
"Nevinbumbaau" attrapait ses victimes en les faisant choir au fond d’une fosse dont l’ouverture était soigneusement cachée.
A l’arrière plan de "La Belle et la Bête", une vitre nous permet de voir à l’intérieur d’un aquarium. Un magnifique poisson des tropiques, jaune rayé de bleu, vient de s’immobiliser pour observer la plantureuse poitrine de la Belle.
Dans l’aquarium un décor de coraux et de plantes aquatiques, simule un fond sous-marin des eaux chaudes de l’océan pacifique, où, au loin un banc de petits poissons argentés traversent la pénombre des profondeurs marines éclairée au centre d’un puit de lumière venant d’une ouverture soigneusement cachée d’où certainement "Nevinbumbaau" nous regarde.
Jean-Bernard Pouchous - 2008.
N°3-"Le Gardien des Droits", 1994, acrylique sur toile, 160 x 195 cm.
« Tout sage est fou aux yeux de quelqu’un d’autre. » Proverbe espagnol.
N°3 - Le premier curieux.
Dans la peinture intitulée "Le Gardien des Droits", nous voyons à gauche le nu d’un homme dans la force de l’âge, il est assis sur le bas côté d’un chemin de terre, surveillant l’horizon. Le guerrier adossé à son bouclier et appuyé sur sa lance, semble monter la garde dans un défilé ou en haut d’un col.
La morphologie de l’homme est inspirée de "nu, variation avec lance" (1802-12), de Théodore Géricault (1791-1824), une huile de 92 x 73 cm., exposée à la National Gallery of Art, Washington, D. C., Chester Dale Collection.
En face de lui, dans la partie droite du tableau, à la bordure du chemin, est plantée une statue Malanggan.
L’art Malanggan est originel de l’île Nouvelle Irlande, Lihir, Tabar et Lavongaï (Nouvel-Hanovre), en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les sculptures Malanggan sont en règle générale taillées dans le bois tendre et léger de l’Alstonia, comparable au tilleul européen. Les œuvres étaient réalisées par des spécialistes d’un seul bloc auquel, ils pouvaient rajouter certains attributs comme des bras, la tête était parfois façonnée séparément avant d’être posée sur le corps et il y atterrissait un oiseau sculpté. Souvent aussi, étaient appliqués des lobes d’oreilles, ou encore introduit dans la bouche un ornement de danse en forme de tête d’oiseau, etc.
« Les principaux motifs sont la tête et le corps humain, des poissons (en particulier poisson-volant et requin), des oiseaux (du paradisier à la chouette en passant par le pygargue et le mégapode et même le coq), des crabes, serpents et verrats (rare, surtout sous forme de masque), ainsi que des êtres hybrides - par exemple une combinaison de dauphin ou requin et de chouette. Il faut encore ajouter d'autres manifestations de la nature comme les trompes de triton ou le récif de corail. Dans la représentation, les différents motifs se marient de manière tout à fait caractéristique : le plus souvent, une figure humaine debout est entourée d'entretoises et entrelacs de bois sculpté et ajouré où se mêlent poissons-volants, serpents, oiseaux, etc. On a alors l'impression qu'une sorte de parenté transcendante unit les créatures ainsi rassemblées, tandis que le travail de l'artiste, avec sa richesse imaginative et ses points de vue inattendus, semblent faire échapper les corps aux lois de la pesanteur. Les sculptures malanggan ont quelque chose d'irréel, d'aérien. Un effet auquel contribuent aussi les couleurs qui les habillent, ajoutant par de fins quadrillages et des cloisonnés un plan supplémentaire. De plus, aucune autre tradition sculpturale mélanésienne ne parvient à donner au regard autant de vie. Le secret de l'artiste ? L'insertion dans les orbites de l'opercule hémisphérique d'une certaine espèce de gastéropodes marins créée l'illusion d'un œil véritable. » Christian Kaufmann (1).
Notre guerrier au muscles du 19 e. siècle, n’est pas seul, à ses pieds il y a un vampire (2) caché dans le noir. Normalement la bête devrait être dans l’autre sens, c’est-à-dire pendre la tête en bas. En effet, le jour, l’animal se suspend par ses pattes sous la voûte d’une grotte ou d’une cave ou le plafond d’un obscur grenier pour dormir, c’est peut-être pour cela qu’il a ce curieux sourire à la Dracula .
Sous le Malanggan il y a un papier avec quelques signes écrit à la main comme les bâtons alignés d’une liste, d’un décompte. (3).
Un sablier est posé au milieu du chemin. La représentation en perspective de cette instrument à mesurer le temps est volontairement faussée ; de ce fait, il est difficile de savoir quel est le devant du derrière, le haut du bas… Par contre le sable s’écoule bien dans le bon sens. Quand le récipient du haut sera vide, vue la construction étrange du sablier, on se demande comment notre vigie pourra-t-il le retourner et ainsi poursuivre la mesure du temps qui passe et rajouter un trait à sa liste ?
Le temps passe, effectivement, puisque le lierre qui pousse en bordure du chemin et sur le rocher a envahi une partie du bouclier de notre Gardien des Droits.
Le vide abrupt d’un ravin sépare cette étrange scène d’un paysage lointain de haute montagne. C’est le sommet du monde, l’Everest au coucher du soleil, il semble avoir prit feu et quelques nuages s’en dégagent tel les fumées d’un volcan en éruption.
La commémoration d’une mort, le culte des morts, les cérémonies de deuil, la fête des morts, sont autant de marques de la puissance de la vie, de la force vitale de l’homme…
Lors d’un voyage en Nouvelle Irlande dans les îles Tabar en 1994, Jean-Bernard Pouchous avait constaté que les papoues à travers le Malanggan prenaient la mort à bras le corps :
« ( ...) lors des danses de clôture, les hommes paradaient parfois en exaltant la fertilité féminine: déguisés en femme, avec des jupes de feuillages et des faux seins (en bois, coques de noix de coco, ou papayes) sur la poitrine, ils dansaient en exhibant, telles des coulées de sang menstruel, les traînées de peintures rouges dessinées sur les cuisses. Enfin, il était fréquent qu’une grande licence sexuelle marquât la dernière nuit des célébrations malanggan. On comprend mieux maintenant pourquoi un Néo-Irlandais, prié d’expliquer ce qui se passerait si les cérémonies malanggan n’étaient plus exécutées, répondit simplement que “les taros ne pousseraient plus”. Dans l’esprit d’un homme pour qui le taro constituait la base de l’alimentation et le signe manifeste de la fertilité, une telle perspective ne pouvait qu’équivaloir à terme à l’extinction de la population de l’île. » Brigitte Derlon .
"La Vénus de Dolni Vëstonice" (H 11 x L 43 mm.), découverte en 1925, conservée en Tchéquie au Moravian Museum à Brno; "la Vénus de Willendorf" (H 110 mm.) calcaire du Paléolithique supérieur conservée au Musée d’histoire naturelle de Vienne (Autriche); "la Dame de Brassempouy" (H 36 x L 19 mm.), fragment de statuette en ivoire du Gravettien (29 à 22.000 ans BP); "la Vénus de Lespugue" (H 147 x L 60 x E 36 mm.) en ivoire de mammouth, découverte en 1922 du Gravettien moyen (26 à - 24.000 ans BP) du Musée de l’homme à Paris; "la Vénus de Savignano" (H 225 x L 50 x E 65 mm.), statuette en stéatite du paléolithique supérieur découverte en 1925, conservée au Musée de Pigorini - museo etnografico di Roma et bien d’autres artefacts sont à l’origine des traces immémoriale de notre amour de la vie (5-6).
Jean-Bernard Pouchous - 2009.
N°2-"Assez Demande qui Bien Sert", 1994, acrylique sur toile, 160 x 195 cm.
« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. » Henri Laborit (1).
N°2 - Canonisation.
Dans les monothéismes abrahamiques, Dieu communique avec ses prophètes soit par l'intermédiaire d'anges, soit par des visions ou des apparitions. Gabriel est considéré comme le messager de Dieu dans la Bible et dans le Coran. La peinture intitulée "Assez Demande qui Bien Sert", nous présente à gauche l’Archange Gabriel (celui de l’annonciation) (2), au centre un bébé qui va lancer une boulle sur un objet symbolique papou et à droite il y a l’actrice Anouk Aimée (1932-…) tel qu’elle jouait dans "huit et demi" (Otto e mezzo - 8 ½), un film (1963) de Frédérico Félini (1920-1993) (3).
Synopsis: « Un cinéaste dépressif fuit le monde du cinéma et se réfugie dans un univers peuplé de souvenirs et de fantasmes. Surgissent des images de son passé, son enfance et l’école religieuse de sa jeunesse, la Saraghina qui dansait sur la plage pour les écoliers, ses rêves fous de « harem », ses parents décédés. Dans la station thermale où il s’est isolé, son épouse Louisa, sa maîtresse Carla, ses amis, ses acteurs, ses collaborateurs et son producteur viennent le visiter, pour qu’enfin soit réalisé le film sur lequel il doit travailler. »
Un fil dans le film, le fil conducteur peut-être l’histoire d’un professionnel de la fantasmagorie prit de stress (contrainte en anglais). La réponse aux troubles psychosociaux dont il souffre va prendre une forme artistique "L’art de faire parler les fantômes en public" avec une lanterne magique sonorisée. Il s’agit toujours dans ces cas là d’une espèce d’auto-analyse ou d’auto-thérapie dont les spectateurs font toujours les frais (dindon de la farce). Notre créateur à l’instar de l’éternel veut nous faire croire que son éducation catholique, apostolique et romaine entre en collision avec ses désirs les plus refoulés. Montage parallèle, Dieu et le diable, le bien et le mal, le clair et l’obscure, l’élevé et le bas, etc, s’incarnent l’un sur l’auteur et l’autre dans la femme. L’image dominante stéréotypée des femmes y tient évidemment un grand rôle pour les deux sexes. A part l’image typiquement machiste latine "Toutes des putes, sauf maman! ", il apparaît d’autres images terrifiantes, édifiantes et obscènes. Par exemple le harem a la forme d’une couveuse orientale (couvent) peuplée de mantes religieuses et la sainte épouse mère, l’immaculée bourgeoise ressemble à une pute officielle qui réussira à garder le même client toute sa vie. La (les) maîtresse(s) est (sont) comme autant de femmes objets ou oeuvres de connaisseur de collectionneur averti, les autres sont des péripatéticiennes, ou, si gueuses, "des Maries couchent toi-là", selon. Enfin les amis sont tous membres du club des apôtres de la confrérie masculine, tandis que les employés sont des techniciens serviles, contrairement aux collaborateurs qui eux sont ceux qui partagent une même langue éclairée, les ecclésiastiques. Pour finir disons que le patron sera toujours le mâle dominant, en bonne santé physique et morale, il ne souffre jamais d’inhibition de l’action comme facteur déclenchant de désordres de la puissance créatrice (érection=éjaculation et fécondation de la réalisation), il est un et indivisible (conception=réalisation et diffusion de la production). Un temps (le temps du minitel) il fallait consultez 36-15- "a-t-elle les reins solides", pour connaître l’état de l’entreprise qu’exploitait le "boss". Choc de l’annonciation…
Dans les années 1970, Jean-Bernard Pouchous avait suivi un cycle de conférence sur le thème de "La Nouvelle grille" par Henri Laborit (1914-1995), médecin, chirurgien et biologiste, philosophe du comportement animal et humain. On lui doit l’introduction en 1951 du premier neuroleptique au monde, molécule commercialement appelée Largacil, utilisée dans le traitement de la shizophrénie. Avec lui, il a apprit entre autre, que les réponses comportementales innées préservant l’intégrité de l’organisme face à la menace sont la fuite et l’attaque. Le dogme "fuite/combat" comme solution à la confrontation en cas de peur est-il juste? La trilogie anglo-saxone "fright/flight/fight" que l’on pourrait transcrire en français par “frayeur/fuite/affrontement” serait l’unique réaction biologique de l’animal en situation de stress ou devant un stimulus menaçant. Si pour la "santé/survie" d’un animal en cage (ou d’un homme !) il est permis de faire l’éloge de la fuite (physique ou spirituelle), tout observateur de la vie animale sauvage libre sait que le scénario naturel est tout autre. La réaction habituelle d’un grand nombre d’espèces animales est l’immobilisation ou le mimétisme dissimulateur, souvent favorisé par la peur qui décolore la peau (bleu/vert/blanc de peur).
Baptisée Anouk Aimée par le poète Jacques Prévert, Françoise Judith Sorya Dreyfus, joue dans 8 ½, un "malaise vagal", quelques fois appelées "choc vagal", syncope "vaso-vagal" ou "syncope vagale" s’il y a perte de connaissance. Il s’agit d’un malaise dû à une activité excessive du nerf vague, ou pneumogastrique. Ce malaise est la traduction d’un ralentissement du rythme cardiaque ou bradycardie associé à une chute de tension artérielle. Il s’agit de la cause de plus des 2/3 des pertes de connaissances. Il survient souvent chez le sujet jeune et en bonne santé. Certains facteurs favorisent le malaise vagal : la station debout prolongée, une atmosphère chaude ou (et) confinée, après un repas ou une émotion, une douleur violente ou la vue du sang, d’une aiguille, etc...
Dans "Assez Demande qui Bien Sert", Anouk Aimée semble complètement abasourdit par cette rencontre. Subirait-elle un vulgaire harcèlement sexuel paternalo-angélique ? Si c’est le cas elle sera accusée de folie par la sacro sainte famille et devra consulter le psychiatre commis d’office, qui diagnostiquera sûrement un trouble bipolaire, autrement appelé psychose-maniaco-dépressif ou trouble cyclothymique de l’humeur; çà se soigne en cabinet, sinon c’est l’exorcisme. La crise de possession est-elle réductible à une crise d'hystérie ? Angoisse et extase tout à la fois.
Le décor de cette peinture où le personnage féllinien de Luisa Anselmi subi les injonctions divines par l’intermédiaire du très dévoué ange Gabriel, est un lieu de démence, un espace fermé ocre rouge, clos de murs de chaque côté et d’un plafond bas ombre naturel où figure une phrase gothique anonyme. On peut y lire "Assez demande qui bien sert" dans le sens que la servitude doit être proportionnelle à la demande ou "Assez demande qui bien fert" dans le sens de ferrer un poisson, comme dans la pêche au lancé. Un leurre cache l’hameçon qui virevolte comme une mouche au-dessus de l’eau, la proie s’avance, la gueule ouverte, prête à tout gober... En psychiatrie, la possession n'est pas envisagée comme un phénomène religieux mais comme une forme de délire au cours duquel le malade se croit habité par un être surnaturel qui parle par sa bouche, mobilise sa langue malgré lui et dirige ses mouvements. La possession peut également être considérée comme un trouble de la personnalité multiple par la coexistence, chez un même individu de deux ou plusieurs états de personnalités. Les deux esprits se combattent dans un même champ qui est le corps, et l'âme est comme partagée; selon une partie de soi, elle est le sujet des impressions diaboliques, et, selon l'autre, des mouvements qui lui sont propres et que Dieu lui donne". Ce type de trouble commence à s'installer dès l'enfance mais n'est, le plus souvent, remarqué par les cliniciens que beaucoup plus tard; il s'agit presque toujours de filles (60 à 90 %).
Jean-Bernard Pouchous - 2009.
Bibliographie :
N°4-1- Sénèque, trad. Cyril Morana, De la tranquilité de l’âme, éd. Mille et une nuits, La petite collection, 2003.
N°4-2- Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, éd. de Minuit, 1979.
N°4-3- Madame Leprince de Beaumont, Magasin des enfants, éd. Philippe Picquier, 1998.
N°4-4- Jean Cocteau, Serge Toubiana, La Belle et la Bête : journal d’un film, éd. du Rocher, 2003.
N°4-5- Apulée, trad. Claudine Sharp, Amour et Psyché d’Apulée, éd. Flammarion, coll. Etonnant classique, 2008.
N°4-6- Jean Guiart, Océanie, éd. nrf, coll. L’univers des formes, 1963.
N°3-1- Adrienne . Kaeppler, Christian Kaufmann, Douglas Newton, L’art océanien, éd. Citadelles & Mazenod, 1993.
N°3-2- Arthur Laurent, Lemaire Michèle, Les Chauves-souris - Maîtresses de la nuit, éd. Delachaux et Niestlé, 1999.
N°3-3- Bram Stoker, trad. Lucienne Molitor, Dracula, éd. Marabout, coll. Fantastic, 2009.
N°3-4- Brigitte Derlon, Monique Jeudy-Ballini, La passion de l’art primitif, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences Humaines, 2008.
N°3-5- Roger Somé, Carine Schutz, Anthropologie - art contemporain et musée : Quels liens ?, éd. L’Harmattan, coll. Esthétiques, 2007.
N°3-6- Christian Marouby, Utopie et Primitivisme, éd. Seuil, coll. Des travaux, 1990.
N°2-1- Henri Laborit, Wolf Fruhtrunk, Nouvelle grille, éd. Gallimard, coll. Folio, 1986.
N°2-2- Pierre Jovanovic, Biographie de l’Archange Gabriel, éd. Le Jardin des Livres, coll. Référence, 2006.
N°2-3- Sam Stourdzé, Huit et demi, éd. Xavier Barrai, coll. Beaux Livres, 2009.

160 x 195 cm., A/t., 1994

160 x 195 cm., A/t., 1994

160 x 195 cm., A/t., 1994

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