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40 F. - N° 9

N°9-"Big data et pro-ana", 2015, acrylique sur toile, 100 x 81 cm.

« Il y a un jeu atroce commun aux enfans [sic] du midi ; tout le monde le sait. On forme un cercle de charbons ardens [sic] ; on saisit un scorpion avec des pinces et on le pose au centre. Il demeure d'abord immobile jusqu'à ce que la chaleur le brûle ; alors il s'effraie et s'agite. On rit. Il se décide vite, marche droit à la flamme, et tente courageusement de se frayer une route à travers les charbons ; mais la douleur est excessive, il se retire. On rit. Il fait lentement le tour du cercle et cherche partout un passage impossible. Alors il revient au centre et rentre dans sa première mais plus sombre immobilité. Enfin, il prend son parti, retourne contre lui-même son dard empoisonné, et tombe mort sur-le-champ. On rit plus fort que jamais. » Alfred de Vigny, Dernière nuit de travail, préface à Chatterton (1).

 

N°9- Faune.

Le titre de cette peinture "Big data et pro-ana"  est un clin d’œil à "big data" un terme d’informatique pour les mégadonnées numériques ou données massives boulimiques et  "pro-ana" raccourci pour pro-anorexia qui est rassemblement pour la promotion de l’anorexie rétentionnelle, deux manifestations qui montrent bien notre dichotomie digestive actuelle.

Toutes ces informations plus ou moins peintes et figurées sur cette toile représentent avant tout par ordre de prédominance visuelle une jeune fille nue accroupie à quatre pattes sur un rocher. Grande et maigre, elle nous surplombe, nous regardant d’un air désabusés, les cheveux au vent, dominante. Derrière elle, un robographe, bras articulé robotisé, reproduit un Picasso sur un bloc de feuilles suspendu  et fixé sur un pupitre. Il s’agit d’un portrait  de faune de 1938 (55 x 46 cm.) conservé au Musée Picasso à Paris.

En arrière plan, nous assistons à l’éruption d’un volcan. Le cratère crache lave en fusion et bombes sur fond de nuée ardente. Le mythe grec le plus célèbre mettant en scène volcan et puissance tellurique, est celui cité par Platon dans le Timée et le Critias (2). Ces récits relatent la disparition de l'Atlantide, engloutie par les flots dans un gigantesque tremblement de terre suivi d'un tsunami. Platon ne met pas directement en jeu un volcan mais semble avoir trouvé son origine dans l'éruption du Santorin vers 1600 av. J.-C. qui détruisit presque entièrement l'île et qui pourrait avoir provoqué ou participé à la chute de la civilisation minoenne.

Au premier plan du tableau, à gauche sur le rocher, un scorpion est sur ses gardes, prêt à piquer de son dard mortel, on dirait qu’il est dans la même position en alerte que la jeune fille, à moins que ce soit l’inverse.

Picasso originaire d’Espagne, était très sensible aux cultures méditerranéennes, notamment gréco-latines. S’il peint un faune c’est qu’il s’identifie en connaissance de cause au personnage. Un faune est une créature champêtre, proche des satyres ithyphalliques, dont la divinité originale et unique est Faunus ou Lupercus. Sa voix prophétique retentit dans le silence de la nuit pour annoncer les oracles. Les apparitions spectrales et les sons terrifiants qu’il produisait dans les régions boisées firent qu’on vit en lui un monstre aux jambes et aux cornes de bouc.

Certaines images grecques antiques montrent ces satyres en compagnie de Dionysos, ils boivent, jouent, dansent et poursuivent de leurs ardeurs des Ménades délirantes, ivres, le visage tatoué, vêtues de la nébride, portant la thyrses et jouant du tambourin, suivi d’un cortège de jeunes adolescents en liesse.

Les romains fêtaient le 15 février, les Lupercales en l’honneur du faune, sacrifiant le bouc dans les grottes du Lupercal au pied du mont Palatin, où, selon la légende la louve avait allaité Romulus et Rémus. Les prêtres, vêtus uniquement d’un pagne couraient dans toute la ville de Rome armés de lanières de peau de bouc avec lesquelles ils fouettaient les femmes qu’ils rencontraient sur leur passage pour les rendre fécondes. Ils inspiraient ainsi de nombreux cauchemars aux humains, aussi lui donne-t-on alors le nom d’incubis.

En 496, le pape Gélase 1er. interdit cette fête païenne et choisit Valentin de Temi moine martyre, comme saint patron des amoureux qui sera désormais fêté tous les 14 février.

Mais pour beaucoup le cauchemar continu même si l’amour est devenu plus platonique et chrétien, les feux de l’amour embrasent toujours les corps et les âmes, les hommes et les femmes, ange et diable, éros et thanatos dans un cercle de feu, à l’intérieur duquel certains prennent  la vie et d’autres donnent la mort comme autant d’antidotes ou de poisons.

Picasso est né le 25 octobre 1881 à 23H15 à Malaga en Espagne. Son thème astral indique que son soleil est à 2°43’ en Scorpion et la lune à 8°13’ en Sagittaire. Que son ascendant est à 5°38’ en Lion et son Milieu de ciel à 25°05’ en Bélier. Ses dominantes zodiacales sont : Scorpion, Taureau, Lion et Soleil, Jupiter, Vénus. Tous les thèmes astrales de Picasso décrivent tous une personnalité ultrasensible et réactive qui très vite acquière une indépendance financière, que toute sa vie est un manifeste contre la barbarie, qu’il est solide comme un roc, que son âme d’artiste est puissante, qu’il aime son monde intérieur, qu’à peu près tout le monde finissait prisonnier de Picasso, que les femmes de sa vie n’ont pas dû avoir une vie en rose, car pour lui, l’amour se limitait au sexe. Il a d’ailleurs confirmé avoir couché avec toutes les femmes qu’il peignait, dès qu’une nouvelle femme lui plaisait, l’ancienne était aussitôt oubliée. Picasso, un stratège né pour le combat politique, un rebelle antibourgeois, un être humain qui trouve son inspiration dans le plus profond isolement, homme déterminé au réseau social stratégique efficace contre l’adversité, et, grand maître de la compassion avec "Guernica".

« Les autres parlent, moi je travaille » Pablo Picasso (3).

Jean-Bernard Pouchous - 2015.

N°9-Bibliographie :

N°9-1- Alfred de Vigny, Chatterton, éd. Hardpress Publishing, 2013.

N°9-2- Platon, trad. Luc Brisson, Timée, suivi du Critias, éd. Flammarion, coll. Philosophie, 1999.

N°9-3-Pablo Picasso, Je ne cherche pas, je trouve, éd. Le Cherche Midi.

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