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40 F. - N° 13

N°13-"Méditation numérique", 2014, acrylique sur toile, 100 x 81 cm.

« Il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition. S'il n'y avait pas ce sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on ne pourrait échapper au né, devenu, créé, conditionné. Mais puisqu'il y a un sans-naissance, sans-devenir, sans-création, sans-condition, on peut échapper au né, devenu, créé, conditionné. » Udana, VIII, 3.

 

N°13- Prendre son pied.

La peinture intitulée "Méditation numérique" représente une jeune blonde toute nue comme un bonbon au miel. La tête en bas, elle semble couchée sur le dos tenant ses jambes relevées dans ses bras, dirigeant ainsi ses deux pieds vers nous, ceux-ci grossis par la perspective cachent sa poitrine. Elle est tout sourire et semble apprécier son exercice d’assouplissement.

« Comme une flamme soufflée par un vent puissant va en repos et ne peut être définie, ainsi le sage qui est libéré du corps et de l'esprit (nāmakāyā) va en repos et ne peut être défini. Pour lui, il n'y a plus de mesure qui permette de le décrire. Quand toute chose (dharma) a disparu, tous les signes de reconnaissance ont aussi disparu. » Sutta Nipāta (1093-1094).

En bas du tableau au centre s’élance le tuyau d’une lance à incendie dont l’enbouchure en aluminium se dirige vers le visage de notre blonde.

« Là où il n'y a rien, où rien ne peut être saisi, c'est l'Ile ultime. Je l'appelle nirvāṇa : extinction complète de la vieillesse et de la mort. » Sutta Nipāta.

  En bas et à droite du tableau un moine bouddhiste, la tête est recouverte d’électrodes, nous observe attentivement.

« Le nibbana est la cessation du devenir. » (bhava nirodho nibbanam) (Samyutta Nikaya 12, 68)

En bas à gauche du tableau est figurée une clé USB. Une clé USB est un support de stockage amovible qui se branche sur le port Universal Serial Bus d'un ordinateur, ou, de certaines chaînes Hi-Fi, platines DVD, autoradio, téléviseurs, appareil photos, caméras vidéo, etc. Une clé USB contient une mémoire flash et possède pas ou peu d'élément mécanique, ce qui la rend très résistante aux chocs.

« Le nibbana est le bonheur suprême. » (nibbana paramam sukham) (Dhammapada, 204) (1).

En haut à gauche du tableau traîne une vieille paire de "Méduse". Cette sandale résistante à l'eau, pratique et économique, est vite adoptée à partir de 1962 par les vacanciers des bords de mer. Ils l'appellent "Méduse" par analogie avec l'animal marin gélatineux et translucide du même nom.   Depuis 2003, la société Humeau de Beaupréau, qui a racheté l'outil de production mère de La Sarraizienne crée en 1946 par Jean Dauphant, dépose le nom de "Méduse" et continue d'assurer dans ses locaux la production de 500 000 paires par an.

« Le nirvāṇa est la quiétude de l'océan lorsque le petit enfant s'y noie. » (Tetsuo)

Le fond du tableau est un circuit électronique fixé à un support non conducteur vert appelé circuit imprimé (ou PCB de l'anglais Printed circuit board). C’est une plaque permettant de maintenir et de relier électriquement un ensemble de composants électroniques entre eux, dans le but de réaliser un circuit électronique complexe. On le désigne aussi par le terme de carte électronique.

« Le nirvāṇa est au delà des termes de dualité et de relativité. Il est donc au de-delà de nos conceptions communes de bien et du mal, du juste et de l'injuste, de l'existence et de la non-existence. »

Evidemment ce qui a de plus curieux dans cette œuvre c’est le moine bouddhiste avec cet étrange chapeau, il s’agit d’un casque d’électro-encéphalographie (EEG). Le casque contient 256 électrodes qui permettent de mesurer l’activité électrique du cerveau. Nous assistons à une expérience où ce moine se prête à la mesure de l’activité électrique de son cerveau alors qu’il entre en méditation, comme pour mesurer la réalité scientifique de la voie des émotions.

Les scientifiques s’intéressent aux activités exceptionnelles de notre cerveau comme Richard Davidson (1951-…) professeur de psychologie et psychiatrie et membre fondateur du Mind and Life Institute qui s’attache à explorer la relation de la science et du bouddhisme. L’institut a parmi ses membres, des scientifiques émérites, et des pratiquants bouddhistes, dont le plus connu est le 14e. Dalaï-lama, Tenzin Gyatso (1935-…) (2).

La méditation est au cœur de la pratique bouddhiste comme de toute forme de spiritualité. C’est une pratique visant à produire la paix intérieur, la vacuité de l’esprit, des états de conscience modifiés ou l’apaisement progressif du mental voire une simple relaxation, obtenus en se familiarisant avec un objet d’observation : qu’il soit extérieur (comme un objet réel ou un symbole) ou intérieur (comme l’esprit ou un concept, voire l’absence de concept, ou bien les sensations).

La méditation permet d’atteindre une paix intérieure totale et permanente, provenant du détachement. L'acquisition de cet « état » (qui est défini comme un « non-état ») est réputée possible pendant la vie, ou, éventuellement, lors de la mort, il se nomme "nirvana". L'idée assez vulgarisée dans le public du "nirvana" comme d'un paradis, où l'on continuerait à exister après la mort est contradictoire avec la thèse bouddhiste du « non-soi » et de la vacuité des phénomènes et de l'Absolu. On ne peut donc ni y "entrer", ni y "rester". Le "nirvana" n'est pas non plus la mort, mais plutôt la fin de la croyance en un ego autonome et permanent. La méditation est le chemin qui peut éventuellement mener au "nirvana".

(...) Sāriputta dit une fois : « O ami, le nirvāṇa est le bonheur [sukha]. le nirvāṇa est le bonheur ! ». Udāyi lui demanda alors : « Mais, ami Sāriputta, quel bonheur cela peut-il être puisqu'il n'y a pas de sensation ? » La réponse de Sāriputta est hautement philosophique, elle se situe au delà de la compréhension commune : « Qu'il n'y ait pas de sensation, cela même est le bonheur.»

Faire quelque chose et imaginer le faire ne reviennent pourtant pas au même, il se pourrait bien que dans notre cerveau, la pensée et l’action soient une seule et même chose. La recherche scientifique explore les facultés cognitives de nos cerveaux les plus ordinaires et a par exemple  découvert les "neurones miroirs" comme une catégorie de neurones du cerveau qui présentent une activité aussi bien lorsqu'un individu (humain ou animal) exécute une action que lorsqu'il observe un autre individu (en particulier de son espèce) exécuter la même action, ou même lorsqu'il imagine une telle action, d'où le terme miroir. L'interprétation de ces données est donc que le système miroir des émotions permet de simuler l'état émotionnel d'autrui dans notre cerveau et donc de mieux identifier les émotions éprouvées par les individus de notre entourage (3).

C’est ainsi que l’altérité et l’empathie sont devenues des objets scientifiques.

Jean-Bernard Pouchous - 2014.

N°13-Bibliographie : 

N°13-1- Dhammapada : La Voie du Bouddha, éd. Seuil, coll. Points Sagesse, 2004.

N°13-2- Dalaï-lama, la voie des émotions, entretien avec Paul Ekman, éd. City, 2008.

N°13-3- Giacomo Rizzolatti, Corrado Sinigalia, Les Neurones miroirs, éd. Odile Jacob, 2011.

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